Hervé Rivano est chef d’équipe de l’Agora, (Algorithmes et optimisation pour réseaux autonomes) et enseignant-chercheur à l’INSA. Il a accepté de répondre à trois de nos questions sur les algorithmes.
Comment définiriez-vous les algorithmes ?
Hervé Rivano : « Pour moi, un algorithme est une version idéalisée d’un programme informatique. C’est une vision très mathématique des choses. C’est une manière d’avoir des preuves ou des estimations du programme informatique. En fait, tout le problème est le concept informatique. Moi je travaille sur les algorithmes d’optimisation. Pour faire simple, ça revient à calculer les optimisations d’un programme, il faut réussir à en tirer le maximum, à avoir les réponses qui seront les plus pertinentes. Il nous faut les bornes les plus proches possibles. Le but d’un algorithme de base, c’est de rentrer des données dans un système pour qu’il sélectionne la réponse la plus probante parmi ces données. On lui injecte des informations multiples et il nous donne la réponse attendue. C’est une manière de rendre quelque chose de concret. Un algorithme oui, c’est une sorte de modélisation pour la faire rentrer dans des cadres. Il nous donne une forme simple d’un phénomène complexe. Et pour faire de la vulgarisation, c’est un cadre, un peu comme la grammaire en littérature qui permet de cadrer le texte. »
Y a-t-il des limites aux algorithmes ?
Hervé Rivano : « Des limites, en théorie, il n’y en a pas. Le seul souci qu’on peut avoir, c’est l’évolution du temps de calcul en fonction de la taille des données, parfois trop importante. C’est une ‘limite’ qui arrive souvent. Le but c’est de trouver des algorithmes qui prennent le moins de temps de calcul possible. C’est un peu comme P=NP, l’ensemble de tous les problèmes, mais ça après, c’est du jargon informatique. Mais pour faire simple, on a l’impression que les problèmes sont très durs alors qu’il existe juste une solution rapide que l’on n’a pas encore trouvée. Dans la pratique, la limite c’est la puissance de calcul des ordinateurs. Avec l’intelligence artificielle, le deep learning, on a énormément de données. Sauf que c’est très biaisé par les données que l’on introduit au départ. L’algorithme peut reproduire, voire renforcer, les biais des données de départ. Donc il y a aussi une limite politique, puisque les données existantes sont déjà déformées socialement. Donc, les données introduites sont fallacieuses et les algorithmes sont créés par des hommes, donc là aussi c’est une limite. »
Pensez-vous que l’on se dirige vers une économie de marché algorithmique ?
Hervé Rivano : « Nous sommes actuellement dans une phase de transformation de la société. Les algorithmes prennent de plus en plus de place, notamment à travers l’intelligence artificielle. Il n’y a qu’à voir ce qu’il se passe en Chine, ça fait plutôt peur. Le travail algorithmique a un effet de coût d’investissement encore trop fort. Mais, plus il va y en avoir, plus les entreprises vont s’en emparer et le coût va baisser. Pour l’instant, ça ne vaut pas encore trop le coup, comme je le disais, c’est un fort investissement au départ, que tout le monde ne peut pas se permettre. Mais, une fois que ce cap sera passé, il reviendra moins cher aux entreprises d’acheter un algorithme puisque lui, tu le payes une fois, après il ne va pas te demander un salaire tous les mois, il ne va pas prendre de vacances… Donc oui, ce sera plus rentable et bénéfique pour les entreprises de travailler avec des algorithmes plutôt qu’avec des hommes. Le domaine le moins touché, c’est tout ce qui est créativité artistique ; ça les robots ne savent pas le faire, ils reproduisent juste mais ne créent rien. Mais ça c’est juste une question de temps à mon avis, ça va changer. Je pense que dans 50 ans, tout sera numérique. C’est une vraie révolution industrielle qui va se jouer ! »