Après avoir entamé sa conquête du monde professionnel, la réalité augmentée se lance sur le marché des particuliers. Téléportation, lunettes connectées, strip-tease à domicile, cette technologie a du potentiel, même s’il lui reste encore du chemin à faire pour s’intégrer au quotidien.
Dans un livre de science-fiction ou dans un jeu vidéo, vous avez sûrement déjà croisé l’holoportation. Ce procédé est en fait une téléportation en réalité augmentée où son propre corps est entièrement modélisé en 3D. Comme dans les films.
Alors forcément, la première idée qui vient à l’esprit, c’est une utilisation sur les réseaux sociaux. Pas sûr que le public trouve ça très utile selon Philippe Fuchs, enseignant-chercheur en réalité augmentée et virtuelle à l’école Mines ParisTech : « Cela pourrait permettre de communiquer de façon plus agréable, remplaçant la visio-conférence ; reste à savoir si celle-ci n’est pas déjà suffisante. Ça intéressera sûrement les gens, même si ça ne change pas grand chose sur le fond». Utile ou pas, ce genre d’application holographique en réalité augmentée est en cours de développement.
Téléportation, porno, immobilier : la réalité augmentée sur tous les fronts
C’est loin des réseaux sociaux que l’holoportation pourrait avoir un vrai intérêt pour l’enseignant-chercheur : « Lorsqu’on achètera un appareil qui se monte, on pourrait alors utiliser l’application de la marque et voir apparaître une personne en réalité augmentée qui nous guiderait dans la marche à suivre. » On pourrait alors dire adieu à la galère des SAV injoignables.
La réalité augmentée éviterait aussi des achats regrettables : « Les gens veulent voir comment leur cuisine ou leur mobilier rend chez eux avant de l’acheter. Quand on veut se faire construire une maison par exemple, c’est intéressant de voir en réalité virtuelle le bâtiment sur le terrain. Cela sera devenu banal d’ici quelques années », présage Philippe Fuchs. Pour ce dernier, la réalité augmentée rassurerait les consommateurs lors d’achats exceptionnels et onéreux.
Autre secteur toujours à la pointe de la technologie et qui pourrait jouir des bienfaits de la réalité augmentée : le monde du porno, évidemment. Début janvier, le patron du site pour adultes Naughty America confiait à l’AFP que grâce à la réalité augmentée sa marque comptait « devenir le plus gros club de strip-tease du monde, ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. » Au programme « strip-tease intégral » et possibilité de « tourner autour de l’hologramme », rien que ça. Bon, il reste quelques progrès à faire : danseurs et danseuses ont encore tendance à »glisser » sur les surfaces et à se dandiner un peu n’importe où dans la pièce.
Le futur n’est pas vraiment pour demain
La réalité augmentée se démarque pour le moment comme une innovation technologique, mais pas comme une innovation d’usage. En clair, c’est intéressant, pas forcément utile. Même si elle commence à faire son apparition tous azimuts depuis une vingtaine d’années, elle demeure très perfectible. Mais Philippe Fuchs reste enthousiaste concernant les prochaines avancées : « Voir des informations s’afficher sur le pare-brise de sa voiture, c’est assez banal, on le voit un peu partout. Par contre, scanner son salon avec son smartphone et y rajouter un meuble avec la réalité augmentée, ce n’est pas encore courant. Et c’est pour demain ! Il y a encore du travail à faire sur la modélisation des environnements pour que les appareils comprennent où placer les objets virtuels, mais on y arrive de mieux en mieux. »
Même son de cloche du côté de Kayvan Mirza, président de la société d’appareils de réalité augmentée Optinvent : « Il y a des utilisations de la réalité augmentée qui sont stables, d’autres moins. C’est une technologie qui n’est pas encore très mature et déployable en tant que telle. C’est au niveau de la captation de l’environnement et du calage entre l’image virtuelle et cet environnement qu’il reste encore un peu de travail à faire. » Car pour que la réalité augmentée s’incruste bien dans l’image, il faut que l’appareil modélise son environnement. Modéliser un visage pour mettre un filtre Snapchat dessus, c’est facile. Pour un environnement précis avec de nombreux détails, c’est une autre paire de manches.
Philippe Fuchs conclut en rappelant qu’ « on ne pourra pas mettre de la réalité augmentée partout. On n’est pas prêts d’incruster un oiseau virtuel dans un arbre, surtout si l’arbre est en train de bouger à cause du vent. Ça, ce sera pour dans 150 ans » souffle t-il en riant.