Sans source, pas de journalisme. Pour bien renseigner les autres, il faut être bien renseigné soi-même. Si autrefois le journaliste avait un contact physique avec sa source, la situation a évolué. De sa rédaction, il fait désormais de l’information à partir des TIC.
Les professionnels des médias ne peuvent pas être partout, tout le temps. Pourtant, l’information ne s’arrête jamais et il faut continuellement remplir les colonnes et les antennes. L’abonnement aux agences de presse, l’AFP, Reuters, etc. sont alors d’autres outils indispensables aux journalistes. Mais de plus en plus, le poids des sources électroniques institutionnelles pèse gros sur la balance.
« Beaucoup d’acteurs officiels, d’hommes politiques, de la société civile sont présents sur les réseaux sociaux. Cela permet d’accéder à un grand nombre de source. C’est une superbe opportunité. Mais c’est aussi un défi » – Laurent Correau, rédacteur en chef du service Afrique de RFI
Nicolas Bariquand, rédacteur en chef de Médiacités, pour sa part ajoute qu’« Il y’a eu des journaux qui ont fait un bon travail sur des terrains inaccessibles comme la Syrie, à partir des images satellitaires et de vidéos. Il y a des choses intéressantes à faire ».
Opendata et crowdsourcing
Avec Internet, les sources ont évolué et la pratique du journalisme a été transformée. Les outils numériques comme Google News et les plateformes de partage tels que Facebook, Twitter ou Instagram sont devenues des sources ouvertes (Open Data). De l’humour, de la propagande, du “fake” ou du vrai contenu informationnel. On trouve à peu près tout et n’importe quoi. Lors d’événements tragiques ou totalement imprévisibles, ces réseaux ont montré leur utilité dans la mise à disposition de vidéos et d’images brutes qui ont été d’une grande importance aux journalistes.
Des analystes de la BBC sont parvenus à authentifier une vidéo d’une exécution de civils menée par des soldats camerounais. Leur travail d’investigation intitulée “Anatomy of a Killing”, est paru le 24 septembre 2018.
Les journalistes d’investigation britanniques ont, après trois mois de travail, levé le voile sur l’origine de la vidéo, parue en juillet 2018 sur Facebook. A l’aide des photos Getty Images, Google Earth, Google, Digitalglobe et autres techniques que la BBC a pu déterminer les coupables, les types d’armes utilisées, la date et le lieu de cette exaction étant à Londres.
« Nous n’avons utilisé que des outils disponibles à n’importe quel journaliste et étudiant ayant un accès à Internet, . Je trouve ça formidable de voir comment la technologie et le journalisme peuvent se mêler. » – Benjamin Strick, journaliste d’investigation cité par L’Express
Le crowdsourcing (appel à témoignage) est une autre technique pour accéder aux sources sans se déplacer, à partir des réseaux sociaux. Les rédactions américaines l’utilisent très souvent pour couvrir des événements, notamment le thème de l’immigration. Donald Trump a pris un décret interdisant aux ressortissants de sept pays musulmans d’entrer aux États-Unis le samedi 28 janvier 2017. Au même instant, des ressortissants de certains de ces pays étaient dans l’avion en direction des USA. Hannah Wise, rédactrice en chef de Dallas Morning News a appris que des voyageurs étaient détenus à l’aéroport international de Dallas Fort Worth. Elle a lancé un appel à témoignage à ces voyageurs pour raconter leurs calvaires.
Lancé le samedi soir sur les réseaux sociaux, elle a reçu près de 50 réponses de personnes de 29 pays dès le lundi suivant. Selon le site Poynter, elle a reçu des témoignages d’immigrants, de ressortissants de ces pays frappés par l’interdiction et certains voyageurs coincés dans des pays de transit. Ce sont donc 50 personnes qui ont été des sources pour elle. Au lieu de compter sur une agence d’immigration ou une organisation de défense des droits comme intermédiaires, la méthode s’est révélée efficace, a déclaré Wise, citée par Poynter.
« Ce système a ses limites »
De plus en plus de médias couvrent l’actualité au travers des témoignages et contribution de leur audimat, des citoyens qui sont au cœur des événements. Des vidéos, des textes, des photos amateur, sont sélectionnés, vérifiés, traduits et expliqués par des journalistes comme ceux de France24 avec “Les Observateurs” ou encore Médiacités avec sa nouvelle plateforme. «On trouve ça bien. On vient de lancer “Véracité” qui permet aux lecteurs de poser des questions et les journalistes vérifient et écrivent des articles en fonctions des questions posées. On a commencé à publier depuis hier (jeudi 12 décembre 2019, Ndlr),» explique Nicolas Bariquand.
« Ce système a ses limites. Il va permettre de signaler des trucs pas très intéressants. Franchement, je trouve que ça va être la rubrique des pigeons écrasés. C’est à dire l’info bas de gamme. On ne peut pas demander aux autres de faire notre métier à notre place. »- Antoine Comte, rédacteur en chef de Tribune de Lyon
En plus de cela, il y a beaucoup de risques de tomber dans les fausses informations. « Avec les Technologies de l’Information et de la Communication, on a des sources d’info, des alertes. On a accès à une quantité d’alerte à laquelle on n’avait pas accès auparavant. Toute la question est dans ces alertes, de pouvoir faire le tri entre ce qui relève de la rumeur voir de la fake news, et ce qui relève de l’info authentique », souligne Laurent Correau.
Ces nouvelles pratiques journalistiques engendrent la sédentarisation des hommes de presse. Openedition journals rapporte une enquête sur un panel de rédacteurs menée en 2007 par le chercheur Yannick Estienne. Il constate que plus les journalistes sont usagers du Web, plus leur fonction se bureaucratise.