Les algorithmes sont partout, jusque dans la rue. Ils font partie de notre quotidien même si l’on ne s’en aperçoit pas. Ces programmes permettent d’analyser certaines données de la vie urbaine dans l’espoir de l’améliorer. C’est à ces évolutions auxquelles réfléchit l’équipe d’Agora. Ce département fait partie de CitiLab, un laboratoire de recherche, associé à l’INSA et à l’INRIA. Capteurs de pollution, 5G, éclairage « intelligent », ses projets nécessitent des méthodes de travail rigoureuses.
À Lyon, la pollution est un fléau de plus en plus important comme en témoigne l’accumulation des alertes. Des capteurs ont donc été mis en place afin de récolter des données, analysées ensuite par les chercheurs. C’est ce que font les membres de l’Agora (Algorithmes et optimisation pour réseaux autonomes). L’équipe est constituée de sept chercheurs qui travaillent de manière permanente sur le site. Ils encadrent une douzaine de doctorants qui réalisent une thèse sur ces problématiques. Hervé Rivano, chef de l’équipe d’Agora, explique le fonctionnement du laboratoire. Celui-ci est situé à Villeurbanne, CitiLab étant réparti sur deux bâtiments du campus de la Doua. On n’y trouve pas d’open-space, seulement des salles avec des tableaux blancs, support essentiel lors des réflexions collectives. Bouquins et ordinateurs se côtoient pour faciliter le travail de recherche. Le chef d’équipe nous confie passer entre 35 et 40 heures au laboratoire et consacrer 15 heures hebdomadaires à l’enseignement.
Un travail de recherche approfondi
L’une des missions d’Agora consiste à réfléchir à des algorithmes. Actuellement, l’équipe développe sur les réseaux mobiles professionnels pour la police ou l’armée. L’objectif est d’optimiser les réseaux informatiques pour plus de rapidité et de sécurité. Les chercheurs d’Agora explorent aussi sur les drones, l’éclairage « intelligent », la 5G ou encore la mesure des phénomènes physiques en ville. Hervé Rivano travaille lui sur les réseaux télécom. Il met au point des systèmes qui collectent des données.
« La mise en place d’un projet se fait en deux phases« , décrit l’enseignant-chercheur. Comme dans un mémoire de recherche universitaire, la réflexion en amont est très importante, et ici, elle est collective. L’ équipe commence par étudier le sujet et vérifie si quelqu’un a déjà travaillé dessus. « Il faut comprendre le problème sur lequel on est en train de travailler, et faire l’analogie avec ce qui a déjà été fait », explique-t-il. Le groupe se renseigne en étudiant la littérature scientifique afin d’acquérir un maximum de connaissances. Si le sujet n’a jamais été traité, les chercheurs réfléchissent autour des tableaux blancs disponibles dans les bureaux : « On écrit, on efface, on réécrit et on réefface. On fait ça jusqu’à ce que l’on arrête de se tromper », sourit Hervé Rivano.
Simulation, modélisation et expérimentation
Une fois que la réflexion est posée, ils se concentrent sur trois étapes cruciales.
La simulation permet de tester les différents cas possibles, les différentes réponses, et de le faire « dans tous les sens ». Cette simplification est primordiale à la base du projet mais restera une approximation de la réalité. Par exemple, dans le cas de l’étude des vélos urbains, nous explique Hervé Rivano, si le vélo freine à cause de l’arrivée d’une voiture, on peut prendre en compte les données qui se sont produites. Mais on ne peut pas savoir ce qu’il se serait passé si la voiture n’avait pas fait irruption. La simulation permet d’avoir une idée des réponses que l’on pourrait obtenir, sans pour autant être en mesure de toutes les connaître.
Vient ensuite la modélisation du problème. On tâche de le comprendre en le simplifiant, en le généralisant. Puis, on met en place le mécanisme apte à le résoudre. Si celui-ci existe déjà, qu’il est évident, il faudra penser à ce que l’on peut faire pour l’améliorer et le rendre davantage performant.
Enfin, vient l’heure de l’expérimentation, où le projet est intégré à un terrain d’étude, à une zone précise. La collecte des résultats peut commencer.
En ce qui concerne les capteurs de pollution dans la Métropole de Lyon, l’un des derniers gros projets du laboratoire, l’équipe a dû déterminer ce qu’était la pollution. Mais aussi comment est-ce qu’elle se déplaçait et de quelle manière il était possible de la mesurer. Le programme envoie des informations sur la qualité de l’air et le type de pollution à Agora. Une fois établis, ces algorithmes de fusion de données récoltent la valeur des polluants, de l’humidité et de la température. Trois ans et demi se sont écoulés entre la conception et la réalisation du projet.
La technologie s’immisce de plus en plus dans les préoccupations environnementales. En France notamment, des entreprises développent des initiatives qui touchent à la pollution. Plume Labs, par exemple, renseigne ses utilisateurs sur la qualité de l’air en leur fournissant des données sur leur exposition à la pollution.
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Zoom sur les capteurs de pollution
Dans le cadre d’un projet avec la Métropole de Lyon, l’équipe d’Agora a mis en place des capteurs de pollution, afin d’évaluer la quantité rejetée en ville, notamment par les véhicules. La première photographie ci-dessous représente un capteur avant assemblage. Au premier plan, on peut distinguer deux capteurs de NO2, c’est-à-dire de dioxyde d’azote, l’une des pollutions majeures émises par les véhicules. Ils sont de deux marques différentes. On peut également apercevoir un capteur de température et d’humidité. Et pour finir, le module de transmission radio LoRa, connecté à Internet.
La seconde photographie a été prise lors du déploiement avec la Métropole sur l’avenue Garibaldi, située dans le 7ème arrondissement de Lyon. Elle permet d’illustrer la concrétisation du projet. On peut facilement voir l’antenne LoRa sur le côté droit du boîtier. Celle-ci sert à transmettre toutes les dix minutes les données mesurées (une mesure par minute). La plaque noire est un panneau solaire qui a permis le fonctionnement du boîtier pendant plusieurs mois sans interruption. Ce dispositif connecté à Internet envoie les données recueillies en fin d’analyse aux chercheurs.
Crédits Photos : projet UrPolSens du LabEx Intelligences des Mondes Urbains, INSA Lyon/Inria Agora