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14 avril 2015

La tête sous l'eau, Immersion dans les bains douches de Paris"

par Alice Patalacci

Dans le cadre de notre partenariat avec l’ICOM de Lyon2, nous publions l’analyse de web-documentaires de certains étudiants. Nous commençons ce dossier avec Alice Patalacci, qui a travaillé sur le reportage interactif La Tête sous l’eau, immersion dans les bains-douches de Paris , réalisé par Julie Kara et Ségolène Allemandou.

 

La genèse du projet:

C’est Julie Kara qui est à l’origine du sujet. En 2012, elle habitait près des bains douches de Buzenval. « A force de passer devant, je me suis demandée qui pouvait encore bien utiliser les bains douches de nos jours », explique-t-elle.

La journaliste sortait d’une semaine de formation au webdocumentaire au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ) de Paris. Elle a donc saisi cette occasion pour mettre la théorie en pratique. Ne se sentant pas d’y aller seule, elle a proposé à Ségolène Allemandou de l’épauler, ne serait-ce que pour la partie photo. Cette dernière a tout de suite accepté, emballée par le projet. Elles sont donc allées, à deux, pousser les portes des différents bains douches de Paris.

Et là, surprise ! Des sans-papiers, des sans domicile fixe (SDF), des travailleurs pauvres qui vivent à l’hôtel mais aussi des gens qui ont un travail, des gens comme vous et moi. Sauf que leur appartement est trop petit pour proposer une pièce d’eau ou qu’ils utilisent leur douche comme penderie. «C’est une immersion dans les bains douches de Paris, pour illustrer la précarité en période de crise économique », résume Ségolène Allemandou.

Une fois entré dans le webdocumentaire, on n’en sort presque plus, on n’interagit pas spécialement. Ca nous permet de complètement nous intéresser aux photos, qu’il serait dommage de zapper, et d’écouter ce que tous ces gens ont à nous dire. C’est donc une narration linéaire. Ponctuellement, une puce interactive nous propose de cliquer sur un son (au nombre de cinq), dans lesquels Patrick Leclère (le chargé de mission à la direction de la jeunesse et des sports à la mairie de Paris) nous éclaire sur certains points. A la fin du reportage interactif, une carte nous permet de survoler les bains douches de Paris et de connaître le nombre de bains qu’ils donnent par an.

 

Les auteures:

Julie Kara est actuellement chef d’édition au Point.fr. Sortie du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) de Strasbourg, elle a pigé quelques années avant de franchir les portes de Libération. Elle y est restée 5 ans, est brièvement passée au Figaro avant de se faire embaucher chez France 24. Elle y conservera son poste 7 ans, avant d’accepter la proposition du Point. En 2012, elle suit une semaine de formation au CFPJ de Paris sur le webdocumentaire, ce qui lui a donné l’envie d’en réaliser un.

Ségolène Allemandou est diplômée de l’Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication (CELSA) option journalisme, promotion 2003. A sa sortie, elle a passé plus d’un an au sein d’un journal local à Mexico. Elle rentre par la suite à l’Equipe.fr en 2004, continue chez l’Equipe TV jusqu’en 2006, entre au Monde.fr en 2007 avant d’arriver, en 2008, chez France 24. « J’ai tout de suite accepté la proposition de collaboration de Julie pour m’occuper de la partie image », explique-t-elle.

Les partenaires:

« On n’a pas vraiment de partenaires dans le sens où on a réalisé ce reportage dans le cadre de notre travail », précise Julie Kara en souriant. La tête sous l’eau est une production France 24 qui n’a bénéficié d’aucune subvention particulière ni de bourse. « C’était un petit projet, un coup d’essai », achève Ségolène Allemandou.

Le Budget:

Il n’y avait pas de budget prévisionnel. Le budget réel était très bas. « Je pense que ma rédaction n’avait pas envie de mettre trop d’argent dedans et je voulais leur prouver qu’on pouvait faire quelque chose de bien avec peu », explique Julie Kara. Les deux journalistes et la graphiste (Marine Tanguy, aussi salariée chez France 24) ont touché leur salaire à la fin du mois, sans apport. Pendant le tournage, les deux journalistes ont été remplacées par des pigistes. En somme : dix piges qui représentaient, environ, 1300€. « On n’a eu aucun soutien financier dans ce projet. On a juste eu la chance d’être des journalistes salariées avec la confiance de notre rédacteur en chef (Sylvain Attal), qui nous a donné carte blanche », précise Ségolène Allemandou.

Le tournage:

Sur le terrain, Julie Kara et Ségolène Allemandou étaient seules. Le tournage devait se faire en une semaine maximum. Selon les deux journalistes, il s’est soldé en 5 jours.

Julie Kara s’occupait de la prise de son quand Ségolène Allemandou prenait les photos. La plus grosse difficulté, sur le terrain, a été la frontière de la langue. « Mon grand regret, c’est qu’on ne voit pas de Roms dans le reportage alors qu’il y en avait plein dans les bains douche », se souvient Julie Kara. Pour Ségolène Allemandou, le plus gros obstacle demeurera les gens qui ne voulaient pas être pris en photo. « Les sans-papiers, les gens qui ne voulaient pas être reconnus par leur famille », énumère-t-elle, ce qui prouve bien à quel point ce sujet peut être tabou. Comme pour beaucoup de sujets en terrain difficile, elles ont du faire preuve de psychologie pour gagner la confiance des gens. « On voulait rentrer sous la douche avec eux et, ça, ça a été difficile. Portes de Clignancourt, par exemple, on s’est prises des insultes. On était dans le couloir des douches, il n’y avait que des hommes et des Roms. Le personnel a du intervenir, parce que ça devenait un peu chaud », précise Julie Kara.

La postproduction

Lors de la postproduction, un troisième membre a fait son apparition dans l’équipe : Marine Tanguy. « Une équipe de filles ! », a souligné Julie Kara. « Marine a tout de suite compris l’idée et l’univers du projet. C’est elle qui a décidé de la typographie et des éléments graphiques, comme les petites paumes de douche cliquables », a-t-elle continué.

Le montage a été fait en grande partie par Julie Kara. Il a duré environ 3 semaines, réalisé sur son temps libre. « Les soirs et les week-ends, surtout », précise-t-elle. Monté sous Djehouti, le logiciel lui a donné un peu de fil à retordre. « C’est le soucis avec l’informatique, il y a forcément des bugs et des petites galères. Pour te donner un exemple : au début, il m’a fallu quatre jours. Sur la fin, il ne me fallait plus qu’une à deux heures », explique-t-elle. Heureusement, les techniciens de Djehouti étaient présents et à l’écoute des ses problèmes, ce qui lui a permis d’arriver au bout de son travail.

Sur les bains douches visités, seuls deux ont été gardés au montage. Le but était simplement de présenter des profils variés au niveau du genre, du milieu social comme à l’appartenance ethnique. Par contre, les journalistes ne suivaient aucun calendrier de réalisation. « Je faisais ça sur mon temps libre, j’aurai trouvé gonflé, de la part de mon rédacteur en chef, de m’imposer un délai », argumente Julie Kara.

La diffusion

Le webdocumentaire a été diffusé sur le site de France 24. Mis en ligne le 26 décembre 2012, Google Analytic et un outil interne à France 24 ont mesuré 200 000 vues depuis. « En général, un webdoc France 24 ne fait pas plus de 50000 vues », nous apprend Julie Kara.

La communication

Une bande-annonce, présentée comme un making-of, a été diffusée sur la chaîne Youtube de France 24 le 4 janvier 2013 (79 287 vues au 5 décembre 2014). Une promotion sur les réseaux sociaux a aussi été lancée. « En un mois, le webdoc affichait de bons chiffres », précise Ségolène Allemandou.

Retour d’expérience

Différents médias ont parlé du projet : « France Info l’a mentionné dans sa revue Web dans des termes assez élogieux en le qualifiant de « projet qui a réussit à ne pas tomber dans le pathos», « Ash magazine, Libération et lemonde.fr en ont parlé», liste Ségolène Allemandou. Le reportage a aussi été sélectionné au festival les Fotocourts de 2013, où il a terminé troisième. Il a aussi été présenté au Figra. « On n’a pas gagné, mais on a eu de bons retours de la part des professionnels», ajoute Julie Kara.

Au final, la note est positive. Les deux journalistes ont été heureuses de cette expérience. «Personnellement, ça m’a beaucoup apporté. Ca m’a permis de me rendre compte que le webdoc permet de faire des choses incroyables. On a été sélectionnées dans plusieurs festivals et on a eu de bons retours de la part de la profession. J’essaie de faire prendre conscience au point.fr que ce genre de projet est nécessaire pour un site Internet », résume Julie Kara.

« Il y avait le plaisir de travailler sur un sujet magazine, en binôme et brainstormer ensemble sur la réalisation du projet. Le plaisir, aussi, d’avoir dompté les nombreux défis et problèmes techniques, qui ne sont vraiment pas notre domaine. A titre personnel, c’était mon premier gros projet en tant que photographe et j’en ai tiré une grande satisfaction car les photos évocatrices mais non intrusives ont été appréciées », conclut Ségolène Allemandou.

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