Ce doctorant que les enjeux du numérique animent, a co-fondé en 2016 Designers Éthiques dans le cadre de ses études. Une association qui milite pour des conceptions numériques plus respectueuses des utilisateurs. Avec des événements comme la conférence Ethics by Design, une première en France, le collectif veut sensibiliser et surtout provoquer le changement. Un programme à la hauteur de l’ambition de ses membres.
La notion d’éthique dans le design concerne-t-elle uniquement les designers ?
La question est vite balayée par le profil de Karl Pineau. Son domaine c’est l’art, et plus particulièrement la question de l’exploitation des données dans les musées, les archives et les bibliothèques. C’est le sujet de sa thèse entamée il y a peu à l’université de technologie de Compiègne. Il le concède lui-même : « ce n’est pas du tout les données personnelles, rien à voir avec le design éthique ». Mais ce touche-à-tout de 27 ans fait de son profil une force.
Quand il fréquente les bancs de l’ENS Lyon entre 2015 et 2017, les étudiants viennent de divers horizons. Certains sont développeurs ou créateurs graphiques ; d’autres sont issus du marketing. En s’attelant à la création d’une junior entreprise avec Jérémie Poiroux et Thibault Savignac, il ajoute sa pincée de sciences humaines et sociales à la partie design et gestion de projet. L’association Designers Éthiques est créée. Il la définit simplement comme :
« une junior entreprise qui faisait principalement du design et qui s’est posé la question de la responsabilité des produits conçus ».
Les choses paraissent toujours plus simples quand Karl Pineau les explique. Il sait trouver les exemples les plus parlants, à l’instar de Tristan Harris, ancien cadre de Google devenu pionnier des réflexions autour de l’accaparement de l’attention par les géants du Web. Logiquement, le co-président de Designers Éthiques en fait une de ses inspirations, mais il ne saurait se limiter à suivre un chemin tracé. Il admet que le repenti de la Silicon Valley a joué un rôle dans la création de l’association en 2016 : « on a fait nos études au moment où Tristan Harris a commencé à parler. Il montre très bien qu’il y a un problème avec l’attention des utilisateurs, accorde-t-il. En revanche, nous, on trouve qu’il ne va pas assez loin ». C’est ce qui résume ses multiples projets : aller plus loin.
Des règles doivent être fixées
Designers Éthiques se donnent le rôle de sensibiliser et mobiliser les acteurs concernés. La dizaine de membres actifs surfent alors sur la vague : « il y a un phénomène de mode, comme il y en a toujours autour de termes du numérique, assure Karl Pineau. Il faut être lucide avec ça. Il y a eu le big data, les algorithmes, la block chain, maintenant c’est le design éthique. Notre objectif, c’est de suivre cette mode parce qu’on en a besoin. On a besoin de trouver les bons mots, qui soulèvent les bonnes problématiques auprès des bonnes personnes et au bon moment ».
Mais il faut désormais dépasser le cadre de la prise de conscience pour aller vers l’action. Des règles doivent être fixées par les pouvoirs publics et elles arriveront, Karl Pineau en est convaincu. Les difficultés résident dans le fait de changer des normes déjà installées. Il faut alors se tourner vers l’avenir. Pour cela, l’association offre un véritable cadre de réflexion. Des étudiants y effectuent leur mémoire et apportent des projets et des prototypes précis.
Pour les deux ans à venir, c’est sa thèse qui occupera Karl Pineau la plupart de son temps. Mais il entrevoit de plus en plus une pleine activité au sein de l’association Designers Éthiques en tant que consultant. Il continuera à sensibiliser les acteurs pour proposer des services plus humains.
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