Réalité augmentée et art, un drôle de couple ? Carole Brandon, enseignante-chercheuse en arts et sciences de l’art à l’Université Savoie Mont-Blanc, nous explique comment les artistes et leurs dispositifs ont fait, et font encore, avancer la réalité augmentée.
Si je vous dis « production artistique » et « réalité augmentée », qu’est ce qui vous vient en tête ?
Ce qui m’intéresse c’est à la fois les expériences totalement ratées, car elles n’interrogent ni les œuvres ni la technologie – comme celle du MoMA de New York ; et les tentatives artistico-ludiques de médiation comme le collectif Raspouteam ou l’œuvre de Sebastian Errazuriz Augmented Reality Artwork Vandalized. Raspouteam pose des questions intéressantes sur les connexions historiques entre passé et présent, et l’œuvre de Sebastian Errazuriz traite de l’économie du marché de l’art et du street art avec Jeff Koons comme symbole. À ce jour, je ne connais pas d’expérience artistique en réalité augmentée aussi forte que celle du Veau d’Or de Jeffrey Shaw en 1994.
À quoi servent les œuvres utilisant la réalité augmentée ?
Les artistes créent des œuvres qui sont des expérimentations immersives et qui interrogent le monde dans lequel on vit, ainsi que son devenir. La réalité augmentée existe depuis les années 1950 grâce à une technologie lourde. Les artistes de cette période, comme Morton Léonard Heilig ou Myron Krueger, n’ont jamais réussi à développer leurs inventions car il semble que seuls les informaticiens ou ingénieurs soient pris au sérieux pour développer de nouveaux usages. Aujourd’hui, la réalité augmentée, en tant qu’augmentation d’une surcouche d’information sur la réalité tangible, se déploie surtout dans les musées, pour les sites patrimoniaux, ou pour de grosses entreprises de jeux comme Niantic avec Pokémon Go, parce qu’ils ont les moyens de le faire et de le vendre.
Est ce que des productions artistiques mettant en jeu de la réalité augmentée pourraient avoir un impact sur la vie de demain ?
Les œuvres d’art anticipent et interrogent le fonctionnement de notre société, de nos usages, ainsi que les limites et les écueils. La réalité augmentée est une technologie peu développée aujourd’hui par rapport à la réalité virtuelle. Premièrement parce que elle coûte cher, car il faut beaucoup de mises à jour, et aussi parce qu’on a déjà des technologies plus performantes. On l’utilise beaucoup pour des traductions automatiques par exemple, ou pour des jeux, mais les impacts attendus se situent plus sur les intelligence artificielles. La réalité augmentée n’en sera qu’un procédé de visualisation.
Quel est le futur de la réalité augmentée ?
Le futur est déjà là avec le mixage de l’Hololens et de l’hologramme. Windows 10 en avait fait sa publicité pour la première version et la seconde sort ce mois-ci. C’est génial ! Vous chaussez les lunettes et pouvez produire virtuellement des espaces, des constructions futures… Ça existe déjà. Le futur de la réalité augmentée, c’est juste son déploiement sur tous nos objets et écrans de visualisation.