Les réseaux sociaux sont le théâtre de bien des controverses, qui plus est pendant les périodes électorales, où les fake news foisonnent. Exemple édifiant, le vote du Brexit, en juin 2016. C’est la première fois que les réseaux sociaux et les données personnelles ont autant influencé un scrutin.
Tour d’horizon des fake news qui ont mené les Britanniques à sortir de l’Union européenne.
« La reine d’Angleterre soutient le Brexit »
Mars 2016. Le Royaume-Uni déclenche l’article 50, et entame sa sortie de l’Union européenne. Dans le pays, c’est l’effervescence. Le Premier ministre, David Cameron, annonce que le referendum se tiendra le 23 juin. Quid de l’avis des Britanniques sur la sortie de l’UE ? Les médias nationaux
tentent de sonder la population. Le 8 mars, le tabloïd The Sun publie en « Une » que la Reine Elizabeth II est favorable à la sortie de l’Union Européenne.
Problème: elle est soumise à un devoir de neutralité, l’empêchant de délivrer cette information. Le quotidien le plus lu du Royaume-Uni vient de diffuser l’une des fake news les plus décisives de la campagne.
L’Independant Press Standards Organisation (IPSO) (le régulateur de la presse britannique) a rappelé à l’ordre le quotidien conservateur pour la diffusion d’une fausse information, la première clause du code de bonne conduite. Trop tard, l’information a déjà été diffusée et n’est pas passée inaperçue auprès de ses 8 500 000 lecteurs.
« 350 millions de livres économisées avec le Brexit »
C’est l’une des fausses informations les plus marquantes du Brexit. Un slogan fièrement affiché sur le Boris Battlebus, le bus de campagne du conservateur Boris Johnson. Le député ajoute que la somme totale sera distribuée au NHS, le service de santé britannique. L’infox ne vient pourtant pas de lui mais du stratège politique Dominic Cummings, directeur de campagne du mouvement « Vote Leave ». Ce n’est pas son coup d’essai en matière de fake news. Diffuser de fausses informations en vue de faire élire son parti est une habitude pour lui. Mais celle-ci est son dernier coup d’éclat !
Ce dernier a joué sur la peur des Britanniques de perdre de l’argent à cause de l’Europe. Rien d’étonnant pour Guillaume Brossard, fondateur du site Hoaxbuster.com qui vise à déconstruire les mécanismes de désinformation sur Internet. Pour lui, cette fake news a tout du mécanisme de diffusion « classique ». « La plupart des fake news jouent sur l’émotion. Ce qui fait appel à la raison nécessite une analyse, de prendre du recul avant de la partager. En revanche, ce qui fait appel à l’émotion mène à une réactivité brute ; on partage l’information plus rapidement ». Ajoutons à cela un chiffre précis, une organisation sérieuse, et le tour est joué.
Cependant, le nombre est faux. La contribution du Royaume-Uni à l’UE est de 130 millions de livres sterling par an. Mais qu’importe, la fake news a déjà largement été diffusée sur les réseaux sociaux.
« La Turquie va rejoindre l’UE »
En 2005, des négociations entre la Turquie et l’UE étaient effectivement en cours. Mais il n’y a jamais eu de garantie de l’entrée effective du pays. En 2016, les négociations avec la Turquie sont réouvertes, en échange d’une aide dans la gestion de la crise migratoire. Le ministre de la défense britannique, Penny Mordaunt, déclare que le pays ne sera pas en mesure de refuser l’entrée des criminels turcs ou de présenter son droit de veto contre l’entrée de la Turquie dans l’UE.
Sa déclaration a mis le feu aux poudres. Plus de 1600 publicités sont diffusées par le parti « Vote Leave » pour partager l’infox. Notamment sur les réseaux sociaux.
Quantifier l’impact des fake news sur le vote du Brexit n’est pas aisée. Une chose est sûre, les anti-européens ont fait de cette période historique un cas d’école. Mais auraient-ils remporté le référendum sans le recours aux fake news ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, 51,9% des Britanniques ont bel et bien voté pour une sortie de l’Union Européenne.