Entre big data et deep-learning, certaines nouvelles technologies apportent une aide essentielle aux journalistes et à l’information : les intelligences artificielles.
Face aux nouvelles technologies deux tendances se dégagent : l’approche technophobe qui consiste à craindre, et par extension, rejeter toutes les innovations techniques. Et à l’opposé, la vision technophile, qui consiste à ne trouver que du positif, et à être optimiste quant à leur recours. Yani Khezzar, journaliste et responsable de l’innovation pour l’information à TF1, fait sans conteste partie de cette seconde approche. Pour lui, les nouvelles technologies sont une réelle opportunité, pouvant améliorer l’information et le métier de journaliste. La multiplicité des technologies apporte une aide non négligeable pour ce domaine, comme le big data. Littéralement en français les « grosses données ». Ce sont des données si denses que l’Homme ou un simple logiciel ne peuvent les traiter mais qu’un système informatique peut les organiser et les gérer. Plus que cela, « c’est le fait d’arriver à donner du sens à un très large flux de données. Quand on utilise des services en ligne, on génère des infos, des données et creuser dans toutes ces données, leur donner du sens, c’est le big data », explique Yani Khezzar.
Le big data a permis l’apparition notamment, d’un nouveau type de journalisme, le data-jounalism (le journalisme de données). « Quand il y a une très grosse quantité de données à traiter, par exemple s’il y a une enquête qui est faite sur les transports et que vous avez toutes ces données sur les transports dans le monde entier. Avec de l’intelligence artificielle, on peut faire de l’analyse de très grosses quantités de chiffres pour y trouver des incohérences et des anomalies », décrit Yani Khezzar. Au-delà de cette aide au travail journalistique, le big data est une manière d’obtenir des retours précis du lectorat, permettant de mieux répondre aux attentes du public. À Sciences & Avenir, cela constitue une aide réelle, selon la directrice de rédaction Dominique Leglu « Le big data donne des renseignements sur ce qui est apprécié, sur ce qui est consulté et même en direct, on peut voir ce qui plaît ou pas. Tout ce qui est analyse immédiate dans un grand nombre de consultations de notre site… ce sont des choses qui nous importent énormément. ».
La réalité virtuelle : Le journalisme augmenté
Depuis la rentrée 2019, les journaux télévisés de M6, le 12.45 et le 19.45, jouent la carte de la modernité. Incrustation d’écran géant, recours à la réalité augmentée, ce J.T fait figure d’exemple dans l’usage des nouvelles technologies à visée informationnelle. Un usage qui s’est démocratisé. « TF1 a recours à la réalité augmentée », précise Yani Khezzar. « On projette en plateau un objet qui n’est pas visible à l’œil nu, qui est visible uniquement par les caméras via un logiciel spécial et c’est très utile en plateau, cela a permis de faire venir des choses qui ne viendraient pas en temps normal. »
Derrière cette course à la modernité, se cache aussi le besoin de renouveler la démarche journalistique : faire comprendre autrement, plus simplement. « Ça sert la nécessité de pédagogie que peut avoir un journal télévisé et il n’y a rien de mieux quand on veut comprendre quelque chose que d’avoir cet objet en 3D en plateau avec un journaliste capable de vous expliquer les choses ! », s’enthousiasme Yani Khezzar.
L’avenir des nouvelles technologies dans l’information
Le journalisme peut-il se permettre de rêver un bel avenir avec l’arrivée constante de nouvelles IA ? Ce futur se repose notamment sur le deep-learning pour Yani Khezzar. Le deep-learning (l’apprentissage profond) consiste à apprendre des raisonnements à une machine en lui donnant divers exemples : « Avec les exemples, la machine va essayer de déduire un raisonnement, qu’elle va ensuite pouvoir appliquer toute seule sans interventions humaines », décrit-il. L’IA peut assister le journaliste dans des tâches jugées ingrates ou répétitives. Notamment dans la rédaction de brèves depuis des dépêches. Une pratique qui se fait déjà aux États-Unis. Dans cette automatisation des tâches, les nouvelles technologies peuvent également avertir le journaliste d’une information importante : « Vous avez des millions de tweets chaque seconde, c’est impossible pour les humains de tous les lire en temps réel. Il y a des technologies basées sur l’intelligence artificielle, qui scannent en direct les réseaux sociaux et qui sont capable très vite de repérer quand il se passe quelque chose d’important pour alerter les médias », précise Yani Khezzar.
Un constat positif qui tranche avec celui de Dominique Leglu, et particulièrement sur le deep-learning « Selon la façon dont le système aura été « alimenté », c’est-à-dire selon les interactions qu’il aura connues, on aboutira à un résultat ou à un résultat totalement différent. ». Comment ne pas citer le robot Tay, créé par Microsoft en 2016, dont la durée de vie a été de 24 heures ? L’entreprise américaine avait élaboré un compte Twitter où un bot féminin, Tay, pouvant échanger avec les internautes. Le robot apprenait de ses échanges avec les usagers. Mais faisant face à une vague de propos racistes, l’IA a intégré ses réponses dans son système, jusqu’à elle-même tenir des propos déplacés. « Comment fait-on pour contrecarrer ça ? », se demande Dominique Leglu. « On peut aussi imaginer dans des systèmes de reconnaissances faciales, des gens qui introduisent d’autres données qui pourraient être préjudiciables pour certaines parties de la population. »
Pour Yani Khezzar, le véritable problème vient de l’usage et non de la technologie en soi. « Imaginez, l’invention de la radio. C’est un risque ultra dangereux puisque si vous mettez un discours de fanatique qui est répété sur toutes les radios de tous les pays et que tout le monde l’entend, ça va radicaliser tout le monde… ». Difficile alors d’adopter une opinion arrêtée sur la question et de choisir de se positionner comme technophobe ou technophile sur les innovations techniques.