De plus en plus, les rédactions des médias s’organisent pour lutter contre la désinformation et les fausses nouvelles dans le monde. En France, certains médias ont installé des cellules de vérification des informations ou participent à des plateformes de lutte contre le phénomène.
Trente-sept médias internationaux dont huit en France ont pris part au projet CrossCheck en 2018. Cet outil de vérification collaboratif vise à lutter contre la prolifération de la désinformation en ligne. Outre cette plateforme, des médias audiovisuels comme France info ont mis en place en 2019 une cellule dédiée à la lutte contre les infox. La directrice générale Sybile Viel déclarait en septembre 2019 qu’il s’agit d’une mission de son institution. « Nous nous engageons cette année fortement contre le fléau qu’est la désinformation sur Internet et les réseaux sociaux. C’est la mission de France Info bien sûr, qui crée une cellule dédiée à la lutte contre les infox ». Ainsi la rédaction proposera de nouveaux rendez-vous sur les questions de fond qui traversent la société. « Les Français doivent trouver dans nos programmes les éclairages qu’ils cherchent sur les grands enjeux contemporains.», a-t-elle déclaré au journal Le soir.
Si France info en est à sa première expérience, ce n’est pas le cas pour le journal Libération. En 2012, ce journal a mis en place un service appelé désintox. Il est remplacé en 2017 par Checknews. Les internautes se sont approprié cette nouvelle plateforme de Libération comme l’affirme le rédacteur en chef « Vos questions, plus nombreuses chaque jour depuis le lancement de la plateforme, témoignent d’un besoin de vérification et d’information rigoureuse, alors que les réseaux sociaux charrient toujours davantage d’intox et que le débat politique, plus polarisé que jamais, exige parfois un arbitrage neutre pour s’y retrouver ». La particularité de CheckNews est de donner aux internautes le choix du sujet. « Nous vérifions ce que vous nous demandez de vérifier. Le site est le vôtre. Il est à tout le monde. La richesse de CheckNews tient dans la diversité de ses lecteurs et donc de ses animateurs »,a-t-il conclu. Malgré les actions de part et d’autre, le phénomène ne recule pas.
Selon une étude réalisée entre janvier et février 2019 par l’institut Ipsos, près d’un Français sur deux (48 %) pense que les journaux et magazines véhiculent fréquemment des fausses informations. Les résultats de cette étude laissent percevoir que 52% des Français estiment que la radio et la télévision diffusent de fausses informations. Cette situation entraîne une méfiance des Français vis-à-vis des médias. Yves Bardon, directeur de la prospective à l’institut Ipsos, déclare que « seuls 37 % affirment avoir confiance dans la télévision et la radio, et 36 % dans les journaux et les magazines. L’étude souligne aussi que la confiance à l’égard des médias s’est particulièrement dégradée depuis ces cinq dernières années ».
Le point de vue du chercheur
Laurent Bigot, maître de conférences et directeur de l’École publique de journalisme de Tours (EPJT) a soutenu sa thèse sur le fact-checking comme genre journalistique. Il est aussi assesseur auprès de l’International Fact-Checking Network (IFCN). Pour lui le fact-checking ne date pas d’aujourd’hui, il a aussi une longue histoire tout comme les fausses nouvelles. Il « est né aux États-Unis dans les années 1920, avec l’émergence de news magazines comme Time qui est le premier à constituer une équipe de fact-checkeurs, en 1923 ». L’idée initiale rassure le chercheur était de vérifier très scrupuleusement et avant publication, toutes les informations contenues dans le magazine. « Il perdure aujourd’hui dans quelques magazines aux États-Unis », martèle Laurent Bigot.
La France n’est pas pionnière dans le domaine de la lutte contre la désinformation. Cependant les initiatives des différentes rédactions et les plateformes sont à féliciter selon le chercheur : « ce sont des initiatives vraiment intéressantes, parce qu’elles complètent, en quelque sorte, le dispositif médiatique. Nous sommes dans une période au cours de laquelle les médias ont du mal, d’une part, à se faire entendre et, d’autre part, parfois du mal à être crédibles. C’est à dire le fait que, dans les pages de leur site Internet, dans les pages de leur journal ou dans leurs journaux télévisés, des pratiques de vérification très pointues continuent de cohabiter avec des pratiques de non vérification totale ».
La jeunesse des journalistes comme atout
Le directeur de l’école de journalisme de Tours relève que l’espoir est permis puisque des rédactions confient le fact-checking aux jeunes journalistes.
« Très souvent, le fact-checkeur est un jeune journaliste d’à peine 30 ans qui exerce au sein d’une équipe web ; au contraire de ses confrères des services politiques – plus âgés et auxquels on a demandé de faire leurs preuves avant de pouvoir apporter la contradiction aux personnalités politiques »
. Pour le chercheur, le journaliste, à peine recruté dans le métier, est habitué à interpeler et contredire le président de la République s’il le faut. La chose la plus importante est que ces jeunes journalistes fact-checkeurs acquièrent des savoir-faire et un savoir-être journalistiques qui continueront à marquer leur carrière confie Laurent Bigot. « Quand on en parle avec eux, on s’aperçoit que ces journalistes admettent très volontiers qu’il y a quelque chose de changé, désormais, dans leur façon d’envisager le journalisme »,conclut-il.
Le fact-checking est actuellement enseigné à l’école de journalisme de Tours. Les étudiants ont créé le Factoscope qui est un site d’agrégation. Il a pour objet de vérifier les propos de personnalités politiques. Laurent Bigot exhorte donc les écoles de journalisme à intégrer le fact-checking dans les modules d’enseignement.
Votre nez me met forte aise (ceci n’est pas une galéjade)