En 2017, selon une étude du CSA, 65 services de vidéo à la demande étaient actifs en France, soit trois fois plus qu’en 2010. Dans un marché dominé par Netflix et Amazon Prime Video, des nouveaux arrivants tentent d’innover. C’est le cas de Mubi, l’anti-Netflix par excellence. Entretien.
Fondée en 2007 par l’homme d’affaire d’origine turque Efe Cakarel, fondateur et PDG de Mubi, ne parvenait pas à regarder le film « In the Mood for Love » et a décidé de lancer sa propre plateforme. Cet ancien de Goldman Sachs a travaillé sur des introductions en bourse et autres fusions d’acquisitions à Londres et à New York avant de se lancer dans le business de la SVOD.
Nouveaux Médias : Une poignée de sociétés monopolise le marché de la SVOD. Netflix, Amazon et Hulu concentrent la majorité des abonnements mondiaux. Comment MUBI espère-t-elle faire face à l’extrême concurrence qui règne dans ce milieu ?
Mubi : Notre approche est très différente de celles des autres SVOD, nous ne pensons pas que Mubi doive concurrencer directement les géants. Après plusieurs recherches nous sommes arrivés à la conclusion que de nombreuses personnes s’abonnent à plus d’un service vidéo. Ainsi, s’ils estiment que Mubi leur convient ils adhéreront malgré leur abonnement Netflix, Amazon ou autre. Nous avons imaginé un service qui mise sur la qualité des contenus et porte beaucoup d’attention aux détails. Notre service s’adresse à toute personne ayant un véritable amour pour les grands films.
N.M : Comment fonctionne Mubi ?
M : Chaque jour, nous choisissons un film avec soin pour l’intégrer à notre catalogue. Plusieurs experts réfléchissent ensuite au film idéal en fonction de la culture locale du marché visé. Par exemple, nous nous sommes récemment lancés en Inde, le 15 novembre 2019. Pour convenir au marché local, nous avons élargi notre offre à deux concepts distincts : Mubi India qui met à l’honneur le cinéma indien et Mubi World qui regroupe des films du monde entier.
Aussi, nous nous sommes associés à la chaîne de cinéma PVR afin de lancer Mubi Go. Chaque semaine nous offrons à nos abonnés un billet pour aller au cinéma et visionner un film spécialement choisi par nos équipes. C’est une innovation, aucune autre plateforme de streaming ne s’est associée à des cinémas auparavant. D’abord lancé au Royaume-Uni et en Irlande en 2018, puis en Inde, nous prévoyons d’étendre Mubi Go aux États-Unis l’année prochaine ainsi qu’aux marchés européens.
Nous croyons que les films doivent être vus sur tous les écrans, quelle que soit leur taille. C’est pourquoi nous proposons des diffusions en salles, en plus d’une publication sur toutes nos autres plateformes, de plusieurs films sélectionnés avec le plus grand soins.
N.M : Quelle est la relation de Mubi avec les cinémas ?
M : Nous entretenons d’excellentes relations avec les cinémas et sommes de fervents partisans du visionnage de films sur grand écran. Mubi Go, notre initiative cinématographique, est une façon d’encourager les gens à se rendre au cinéma pour voir de nouveaux films et ainsi profiter pleinement de l’expérience. Au Royaume-Uni et en Irlande, nous avons des partenariats avec plusieurs cinémas. En Inde, PVR Cinemas, la chaîne qui détient plus de 160 cinémas à travers le pays, s’est associée à nous pour lancer Mubi Go.
Au Royaume-Uni, nous sommes également un distributeur en salles. Nous présentons des films dont nous faisons l’acquisition au Royaume-Uni et en Irlande à la fois en salle mais aussi sur la plateforme Mubi. L’année prochaine, Bacurau , Ema et The other lamb sortiront en salle et sur Mubi au Royaume-Uni.
N.M : Tous les jours un nouveau film est ajouté à la plateforme tandis qu’un autre est retiré. Comment les cinéastes présentent-ils leurs productions à l’équipe Mubi ?
M : Nous avons plusieurs équipes de contenus basées dans les différents pays où nous diffusons. Ces équipes sélectionnent des contenus tout en ayant à l’esprit la culture cinématographique locale afin de satisfaire au mieux les différents publics. Nous travaillons également avec un nombre croissant de partenaires, de cinéastes entre autres, qui nous font des propositions régulières de films. Enfin, nous allons à la chasse aux nouveautés en participant à divers festivals internationaux.
N. M : Est-il est juste de dire que Mubi est le Netflix des cinéphiles ?
M : Effectivement, plusieurs personnes nous décrivent comme cela. Toutefois, notre philosophie se résume ainsi : chez Mubi, nous aimons le grand cinéma, qu’il s’agisse de films cultes, classiques ou indépendants. Nous souhaitons rendre facile la consommation de grands films et que les gens puissent les regarder où qu’ils soient, en ligne sur plusieurs appareils, ou dans des salles de cinéma réelles en utilisant Mubi Go.
N.M : Plusieurs plateformes de SVOD produisent leur contenu afin de proposer un catalogue unique. Qu’en est-il de Mubi ?
M : Nous produisons actuellement des films ainsi qu’une série télévisée. Par exemple, nous avons le long métrage Port Authority qui a fait ses débuts à Cannes dans la catégorie Un Certain Regard . Aux Etats-Unis, Farwell Amor vient d’être sélectionné pour le festival Sundance 2020. Nous travaillons aussi sur la production des films Mon légionnaire de Rachel Lang et sur la série télévisée Maniac Cop de Nicolas Winding Refn. Il y a d’autres projets dans lesquels nous sommes impliqués et dont nous ne pouvons malheureusement pas parler pour l’instant. Nous avons également débuté la relecture de scénarios de cinéastes indiens. Les choses avancent plus vite que prévu car la consommation des contenus cinématographiques explose.
Au-delà d’une panoplie de films triés sur le volet, Mubi offre également la possibilité d’interagir, à la manière d’un réseau social, afin de partager sa passion du septième art et de discuter du catalogue du mois. La plateforme compte 8 millions de membres.