La démocratisation d’internet et les transformations technologiques des dernières années ont entrainé un bouleversement du financement des industries créatives et de la consommation de l’audiovisuel. Alors comment survivent la musique, le cinéma et la radio dans l’ère du numérique ?
Netflix, Spotify et l’explosion du streaming
En 2016, le marché du streaming a explosé et a dépassé celui du téléchargement. De moins en moins d’utilisateurs consomment sur des supports physiques ; l’accès à l’art et à la culture se dématérialise. Outre les cédérom et dvds, les livres deviennent également accessibles à portée de clic, et si la vente des vinyles connait malgré tout une hausse, le format reste de niche.
La plupart des utilisateurs s’habituent à consommer ce qu’ils aiment sur un seul et unique support : souvent, leur téléphone. En effet, plus besoin de partir le matin avec le journal, un roman policier et quelques cassettes à écouter dans la voiture sur le trajet du travail. La radio est même désormais accessible sur smartphone et tablette grace à des applications de rediffusion, ou sous forme de podcast.
Les consommateurs sont pressés et apprécient de pouvoir accéder à du contenu n’importe où et à toute heure. Mais cela ne va pas sans dommages collatéraux : les artistes, dont les revenus avaient déjà chuté suite à la démocratisation du téléchargement, ne sont que très peu rémunérés par les plateformes de diffusion.
L’Adami (organisme de gestion collective des droits des artistes-interprètes) estime qu’un musicien touche en moyenne 100 euros lorsqu’il est diffusé 14 fois à la radio, qu’il vend 100 albums et qu’il est écouté 250 000 fois sur un service de streaming payant.
D’autre part, si, en apparence, Netflix laisse une marge immédiate aux producteurs, ceux-ci doivent abandonner en échange leur droits d’auteurs mondiaux pendant dix ans. En France, la SACEM (société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), a prit les devants et signé un accord avec la plateforme de streaming, afin de garantir « la rémunération des membres dont le repertoire (est) présent dans les oeuvres audiovisuelles diffusées par Netflix. »
En principe, d’après le Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, Netflix devrait reverser entre 12 et 15% de son chiffre d’affaire annuel pour contribuer au développement des œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et françaises. Pourtant, le service de streaming n’est pas dans l’obligation de suivre ce décret, car il opère en Europe depuis le Luxembourg et les Pays-Bas.
Les médias traditionnels se revisitent
D’après le rapport d’information de Catherine MORIN-DESAILLY au Sénat, le développement du numérique questionne l’offre et l’organisation de l’audiovisuel public face à la globalisation de l’offre et la dérégulation des médias : « Les médias publics ont conscience de l’enjeu numérique mais tardent à s’y adapter. Seul ARTE se considère déjà comme un média délinéarisé », grâce notamment à une stratégie d « hyper-distribution » qui lui permet de rajeunir son audience ; et la mise en ligne des programmes de la journée dès 5h du matin, dont 85% sont des programmes européens.
Pour Vincent Thabourey, le passage à une communication virtuelle ne peut pas se substituer au travail de terrain : « si le spectateur du XXIème siècle est casanier, téléchargeur, licite ou illicite, et adepte de la « culture de chambre », il est également celui qui fréquente les salles de cinéma ». Il argumente que la révolution numérique est aussi liée à l’arrivée de nouveaux opérateurs comme les géants de la téléphonie et du Web, ou des investisseurs tiers, qui déstabilisent le mode de production et de diffusion connu jusque ici.
Financements et aides dans les secteurs de l’audiovisuel
Globalement, l’État intervient largement dans le financement de l’audiovisuel public. Il soutient également des activités non rémunératrices du secteur privé, par exemple grace au Fonds de soutien à l’expression radiophonique. L’État définit les règles qui encadrent la publicité et le parrainage, qui sont les principales sources de financement du secteur privé.
En 2013, les taxes et cotisations professionnelles ont permis au CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) de distribuer près de 322,4 millions d’euros au cinéma français, 285,38 millions au secteur audiovisuel et 124,38 millions à des dispositifs transversaux (comme le le jeu vidéo). Cependant, les investissements de l’organisme ont diminué de près de 23% dès l’année suivante. En cause, la diminution des fonds du CNC, dont les taxes deviennent moins rentables avec la chute des revenus de l’audiovisuel.
Plusieurs autres organismes publiques français proposent des aides pour la production, le développement et la réalisation d’oeuvres numériques. Parmi eux, l’IFCIC propose des prêts participatifs en faveur du jeu vidéo et des prêts pour la presse ; ARTE Television un soutien à l’écriture de documentaires, fictions et animations Web ; et la SACEM de nombreux financements pour les musiciens. Mais encore faut-il le savoir…
Alors, pour faire face au manque de fonds, de nombreux porteurs de projets optent pour le « Crowdfunding », financement participatif qui repose sur la mise en relation d’entrepreneurs et de créatifs en recherche de financement avec des investisseurs et donateurs, particuliers ou professionnels. Ce nouveau modèle de financement est en plein essor ; en France, la finance dite alternative représentait déjà 960 millions d’euros en 2017.