Chaque jour, sur la toile et dans nos maisons, nos données personnelles s’enfuient pour être stockées et analysées. Designers, avocats et institutionnels s’activent pour protéger nos vies privées.
Les données personnelles correspondent, selon le droit français, « à toute information relative à une personne identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».
En France, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) veille à ce que ces données personnelles ne soient pas violées sur Internet. Récemment, le grand public a eu écho de scandales liés à Facebook et aux données personnelles. Le géant des réseaux sociaux a partagé ces éléments avec ses partenaires du net.
Des professionnels de plus en plus engagés
Ce trombinoscope mêle des profils variés. Leur point commun : ils prennent tous en compte le respect de la vie privée et des données personnelles. Certaines professions comme les avocats s’attèlent désormais à inventer de nouvelles lois, pendant que d’autres remettent en question leurs pratiques professionnelles.
Comme le revendique Mike Monteiro, premier portrait de ce trombinoscope et auteur du Code éthique du design : « Votre profession est votre choix. Faites-la correctement ».
Tous ces professionnels ont dû s’adapter pour respecter le nouvel enjeu qu’est la protection des données personnelles.
MIKE MONTEIRO, designer
L’auteur du Code de l’éthique du designer, c’est lui ! Cet américain qui vit à San Fransisco a travaillé pour la fondation Wikimedia, le géant Microsoft, ou encore pour le quotidien économique Financial Times. Il a aussi co-fondé son agence Mule Design. Le designer semble avoir un humour bien à lui et une personnalité tranchante : avec lui, ça passe ou ça casse. Autant apprécié que critiqué, Mike Monteiro écrit sur le design et le pratique. En 2017, il s’est interrogé sur le rôle du designer. Il a essayé de questionner sa profession et cela l’a conduit à rédiger le code de l’éthique du designer.
Dans celui-ci, Monteiro s’attache à questionner la relation client ; il tente d’impliquer l’utilisateur et veut créer des designs éthiques.
Selon son code, le designer a un rôle à jouer. Il ne doit pas se voiler la face lorsqu’il prend part à un projet.
« On ne peut pas être surpris qu’un fusil serve à tuer quelqu’un » illustre-t-il. Cela s’applique aussi aux données personnelles. Le designer comprend et sait lorsqu’elles vont être utilisées à mauvais escient, il fait lui aussi partie des coupables. Il choisit ou non de travailler sur un projet.
ARTHUR MESSAUD, juriste anti-Facebook
Juriste pour La Quadrature du Net, l’association de défense des droits et libertés fondamentales à l’ère du numérique, Arthur Messaud a repris le contrôle sur ses données personnelles. Depuis, il travaille pour avertir le grand public et se dresse aussi contre ces géants du net qui ne respectent pas les libertés de chacun. Arthur Messaud n’est pas présent sur un grand nombre de réseaux sociaux. Selon une interview pour France Culture, le juriste se trouve toujours sur Facebook car, d’après lui : “il y a beaucoup de gens qui ne pourront pas partir de Facebook pour des raisons professionnelles ou familiales”. Une situation qui n’est pas prête de changer. Arthur Messaud compte venir en aide aux autres utilisateurs du réseau social en les aidant à protéger leurs données, pour « leur transmettre des informations et ne pas les abandonner à leurs sort ». Sur la question des données personnelles, Facebook n’a qu’à bien se tenir !
CAMILLE ALDEBERT, développeur web spécialiste de la data
Si elle est aujourd’hui développeur web pour Symtrax, Camille Aldebert est aussi l’auteure d’une étude portant sur l’impact de l’utilisation des données sur la vie privée.
Dans le cadre de sa formation à Supinfo, l’école mondiale d’informatique présente en France mais aussi à l’étranger, elle a pu rédiger plusieurs articles dans différents domaines : les mathématiques avec les algorithmes, l’entreprenariat et la gestion de projets ainsi que les questions de sécurité et de réseaux.
Ce sont ces dernières que Camille Aldebert aborde le plus dans ses travaux. Concernant la protection des données sur la vie privée, on retrouve les nouveaux enjeux liés à la popularisation des objets connectés mais également l’utilisation des données personnelles, parfois menacées, quel que soit le type de réseau utilisé.
Dans ses travaux, Camille évoque notamment l’idée que cela touche tous les internautes et cela peu importe leur usage des services numériques.
Selon elle, n’importe quelle donnée peut être interceptée, même si le réseau utilisé est sécurisé. Dans ce cas, il y a plusieurs situations: soit l’attaque est passive, soit elle est active.
Dans le cas passif, l’auteur de l’attaque intercepte les données mais ne les touche pas. Tandis que dans le cas actif, il les modifie avant de les partager.
N’importe quelle donnée peut être interceptée, même si le réseau utilisé est sécurisé.
LAURENT CHEMLA, fondateur de GANDI et membre de la Quadrature du Net
Laurent Chemla est le fondateur historique de GANDI, un hébergeur web. Depuis 2013 il travaille sur CaliOpen, un outil de communication open source qui a pour objectif de permettre les communications des utilisateurs de manière chiffrée et respectueuse de leur vie privée. Mais c’est son activité à La Quadrature du Net qui nous intéresse ici. Il est membre du bureau de cette association qui a pour objectif de faire avancer l’idée d’un Internet plus libre et ouvert. Autre mission : permettre aux citoyens de saisir les enjeux des processus législatifs, mettant en danger les libertés individuelles sur Internet, en les incitant à participer à des débats.
La Quadrature du Net, aux côtés d’autres associations, a alerté en 2015 sur les risques et les dangers du projet de loi relatif au renseignement, aujourd’hui devenu la « loi renseignement ». Ce dernier inclut dans ses lignes la mise en place de mesures que l’on pourrait qualifier d’espionnes, dont le rôle est de détecter des comportements suspects.
Sur la protection de notre vie privée sur internet, le fondateur de GANDI avance que l’Europe a un rôle à jouer à propos de nos libertés. Si l’Union européenne défend souvent le positionnement de la France, il y a aujourd’hui un problème, à la fois de législation et de prise de conscience de la part du grand public. Laurent Chemla estime qu’il y a “une nécessité de comprendre que la gratuité en échange d’un partage sur la vie privée, ce n’est pas forcément un bon deal. La vie privée a beaucoup perdu de sa valeur”.
Si l’Union européenne défend souvent le positionnement de la France, il y a aujourd’hui un problème, à la fois de législation et de prise de conscience de la part du grand public
PABLO BARRAL, graphiste et web designer qui change de vie
Graphiste et webdesigner nantais, Pablo Barral imagine et conçoit le Web en fonction de différentes problématiques. Sur son site, il reprend une citation d’Ace (joué par Robert DeNiro) dans Casino de Martin Scorcese : « Il y a trois façons de faire les choses dans ce casino : la bonne façon, la mauvaise façon et ma façon à moi ». Cela montre bien ses envies et ses valeurs : il travaille à rendre son travail plus éthique et responsable. Il est aujourd’hui co-dirigeant de la société Wouep, une agence spécialisée en création de sites internet, applications web et dispositifs interactifs.
C’est initialement dans une démarche personnelle que Pablo a cherché un mode de vie plus éthique et décidé de « mieux consommer, mieux manger ». Il n’a pas hésité à poursuivre sur sa lancée dans son activité professionnelle. Il a souhaité appliquer ses valeurs à son métier et c’est de cette façon qu’il a lancé Wouep ! en 2016, accompagné de Loris Chennebault, son associé. Ensemble, ils proposent à leurs clients des supports adaptés à leur demande, cela en limitant leur impact environnemental. Cette démarche s’attache aussi à la performance économique et sociale de son entreprise.
LE CABINET HAAS Avocats s’adapte au Web
Le cabinet Haas Avocats accompagne ses clients dans différents domaines touchant de près ou de loin à Internet. À l’heure où le Web s’est bien plus que démocratisé, avoir une législation et un cadre juridique des activités n’est pas de trop. C’est en ce sens que le cabinet Haas Avocats s’est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, des nouvelles technologies, de l’information et de la communication, de l’e-commerce et de la protection des données personnelles. Avec au total 80 avocats répartis dans ces différents secteurs, le cabinet se veut dans l’ère du temps. Il compte aussi parmi ses équipes des délégués à la protection des données. Ces derniers travaillent avec des clients français ou internationaux. Nul doute que ce cabinet a parmi ses clients quelques défenseurs ou utilisateurs des données personnelles.
ISABELLE FALQUE-PIERROTIN, conseiller d’État et Présidente de la CNIL
Diplômée de la célèbre école de commerce HEC, Isabelle Falque-Pierrotin ne s’est pas arrêtée là. Elle a également été étudiante à l’École nationale d’administration (ENA) et à l’Institut Multimédia. Par la suite, elle a endossé successivement le rôle de Présidente au sein de nombreuses organisations. Parmis elles : la Commission interministérielle relative à Internet en 1996 ou encore le Conseil d’Orientation du Forum des droits sur l’Internet de 2001 à 2010.
Depuis 2011, elle occupe le poste de Présidente de la CNIL. Elle est également Présidente du G29, le groupe des CNIL européennes où elle a été re-éelue après son premier mandat. Enfin, depuis 2017, elle est la présidente de la conférence mondiale des autorités de protection des données. Isabelle Falque-Pierrotin se place donc en défenseure des données personnelles.