La remise en question du modèle initial des industries culturelles et créatives
À l’ère du numérique, les fondations des industries culturelles et créatives se réinventent. L’image de marque est désormais exposée aux commentaires et à la critique sur le net, le savoir-faire traditionnel est touché par la robotisation de l’industrie et des pratiques, et les droits de propriété intellectuelle sont touchés par la dématérialisation des contenus.
Aujourd’hui, des algorithmes permettent d’analyser les attentes des utilisateurs afin de créer des contenus et produits sur mesure : en 2013, lorsque Netflix a adapté la série anglo-saxonne House Of Cards, des algorithmes avaient révélé que les spectateurs de la version originale consommaient beaucoup de films réalisés par David Fincher, ou dans lesquels joue Kevin Spacey. Le casting n’était donc pas hasardeux. Netflix a également conçu la série Marseille sur ce même principe : en analysant les préférences de son audience.
Aussi, le public devient progressivement acteur de sa consommation. D’après un rapport de BpiFrance Le Lab, l’implication du consommateur peut prendre quatre formes principales:
- Le client ambassadeur, qui participe au rayonnement de la marque en faisant la promotion de certains produits sur les réseaux sociaux (pensez « instagramers »),
- Le client créateur, qui participe à la conception des produits,
- Le client prescripteur, qui facilite le repérage des talents émergent en mettant en avant un artiste, sur Youtube par exemple ;
- Le client contributeur, dont les données personnelles sont analysées par les marques afin d’orienter la création et d’améliorer l’experience de l’utilisateur.
L’innovation modifie les comportement
Pour Yves Evrard, docteur en science de gestion à l’université Paris-Dauphine, il y a plusieurs décennies que les mentalités ont commencé a évoluer. Il argumente que Jack Lang est à l’origine d’un tournant économique : l’ancien ministre de la culture (de 1981 à 1986) a accéléré la modernisation, le développement de l’audiovisuel et l’insertion de la culture dans l’économie.
Dans l’art, l’innovation et l’originalité sont au coeur d’un nouveau modèle qui se généralise et qu’Yves Evrard appelle « les innovations de rupture » : « Ce phénomène s’est accéléré avec l’avènement du numérique, qui permet des innovations de rupture dans de très nombreux domaines de l’économie (…) On va avoir des voitures sans conducteurs, mais aussi des systèmes qui permettent d’optimiser leur utilisation (…) Avec la digitalisation de l’économie, les changements sont très rapides et les positions acquises ne le sont jamais pour longtemps. » Les entreprises et les utilisateurs doivent alors s’adapter à ce virage technologique. Deux principaux enjeux d’imposent à l’ensemble des industries créatives et culturelles françaises : la transition numérique et l’ouverture à l’international.
Fragmentation de l’audience et nouveaux modèles économiques
Il y a encore quelques années, un nombre de chaines réduit se partageait l’audimat. Aujourd’hui, la révolution numérique a entraîné une chute des audiences et des revenus publicitaires. Le direct n’attire plus le public. Les médias traditionnels, tels que la télévision ou la radio, ont perdu jusqu’à 30% de leur audience, qui se redirige vers les services de replay et de streaming.
Netflix, Amazon Prime, Hulu et bientôt Apple s’engagent dans une course aux abonnés en se réinventant sans cesse grâce à la production de contenu original. Pour Séverine Barthes, chercheuse à la Sorbonne, « l’écosystème est en pleine panique ».
Le secteur de l’audiovisuel est concurrentiel, et les diffuseurs ne font pas tous le poids. Certaines chaînes ont revu leur ligne éditoriale en espérant se faire une place sur le marché, mais l’audience ne suit pas toujours et les séries sont annulées.
Parallèlement, la radio se réinvente grâce aux podcasts, financés en grande partie par la publicité. Joël Ronez, fondateur de Binge Audio, explique : « Notre modèle est aujourd’hui fondé sur le sponsoring et le brand content d’une part, et la production déléguée d’autre part. La production déléguée, c’est la production de programmes que nous faisons pour le compte de diffuseurs ou de médias tiers. C’est ce qui forme la majorité de nos revenus. (…) Bientôt, les auditeurs pourront aussi souscrire à une partie payante qui donnera accès à un certain nombre de contenus additionnels. »
Si la tendance fait débat, les médias choisissent de plus en plus de rendre une partie de leur contenu payant, souvent accessible sous la forme d’un abonnement mensuel.
L’information a un coût, mais les internautes se sont habitués à avoir accès à une multitude de services gratuitement, ce qui rends cette transition complexe.