28 janvier 2021

Social Porn : le futur de la pornographie ?

par Lola Senoble

UpLust, OnlyFan, Fuckbook, ModelHub , ces sites sont de plus en plus populaires dans l’univers de la pornographie. Et pour cause. Ils font partie d’une nouvelle catégorie émergente dans l’industrie du sexe : le social porn. On vous brosse le portrait de ces nouvelles plateformes qui changent la donne dans l’industrie du X.

Fondée en 2016, OnlyFan est une plateforme semblable à Twitter. En échange d’un abonnement payant, les utilisateurs ont accès à des vidéos et des photos de leurs pornstars préférées. Photo : capture OnlyFan.

L’avènement des réseaux sociaux pornographiques

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir », disait le Tartuffe de Molière. En 2019, poster une photo osée sur Instagram ou Facebook, c’est s’exposer à une censure quasi systématique. Alors, des contenus pornographiques… ce n’est même pas la peine d’y penser. Pourtant, depuis quelques années, de nouveaux sites bien particuliers ont fait leur apparition. Ils s’appellent UpLust, OnlyFan, Fuckbook ou ModelHub. Conçus sur l’image des réseaux sociaux classiques, ces sites permettent de publier des contenus érotiques et pornographiques en toute liberté.

Souvent présentés comme des réseaux sociaux pornographiques, ils n’en ont pourtant que l’apparence. « C’est surtout un terme publicitaire », assure Carmina, rédactrice en chef du Tag Parfait, magazine spécialisé dans la culture porn. « Sur un réseau social comme Instagram, vous n’allez jamais payer pour accéder aux photos de vos amis. Ce n’est pas le cas d’UpLust, sa version pornographique ». Ces sites font donc plus office de marketplaces – où l’on vend et achète du contenu, ici pornographiques – que de réseaux sociaux à proprement parler.

« Sous prétexte que c’est du porno, les gens pensent que c’est de l’argent sale »

UpLust (anciennement Pornostagram) est une plateforme française créée en 2013 par Quentin Lechemia. Cet Instagram du X se présente par son fondateur comme « le 1er réseau social non censuré ». Il revendique 700.000 utilisateurs, la plupart amateurs. Comme sur Instagram, l’usager peut ajouter des filtres à ses photos et liker les contenus qu’il apprécie. Très rapidement, UpLust connaît du succès en France et à l’étranger. Succès qui lui permettra, en 2015, d’accueillir dans son capital la célèbre société de production française de films pornographiques Marc Dorcel.

Pour compléter son financement, UpLust a recours à un système d’abonnement, très commun sur les sites pornographiques. « En général, c’est très dur d’avoir des partenaires, des financements ou des levées de fonds. Sous prétexte que c’est du porno, les gens pensent que c’est de l’argent sale. Pour se financer, les sites n’ont pas d’autres moyens que de faire payer les utilisateurs », explique Carmina. Une fois la – courte – période d’essai terminée, l’utilisateur d’Uplust a le choix entre trois abonnements mensuels à 4.90$, 9.90$ ou 19.90$ (4.30€, 8.80€, 17,80€). Entre autres avantages, la dernière option permet d’avoir un nombre d’abonnement illimité, une mise en avant du profil et un site sans publicité. Il rend même possible la conversion des Lusts – la monnaie virtuelle du site – en euros.

Des plateformes lucratives

 

Dans une autre veine, on trouve également OnlyFan, sorte d’alternative à Twitter. Cette plateforme a vu le jour en 2016, sous l’impulsion de Timothy Stokely, un entrepreneur britannique. L’idée de base : combiner l’attrait des sites de webcam à la popularité grandissante des influenceurs. Photos, vidéos, audios, posts… Les contenus sont variés et accessibles via abonnement, allant de 4.99$ à 49.99$ (de 4.40€ à 44,80€). Plus le nombre d’abonnés est important, plus c’est lucratif. Sans annonceurs, OnlyFan ne fonctionne que sur la base du prélèvement d’une commission, à hauteur de 20%.

Sa particularité ? Contrairement à UpLust qui, dès sa page d’accueil, revendique son caractère pornographique, OnlyFan se présente bien plus sobrement. De prime abord, nulle trace de contenus coquins. « Quand c’est trop explicite, ce n’est pas bon pour le commerce », justifie Carmina.

Enfin, comment ne pas parler de l’alter-égo pornographique de Facebook, logiquement nommé… Fuckbook. Si, par chance, le site n’a jamais subi d’attaques de la part de Facebook, cela n’a pas été le cas de la version française, qui s’est vue obligé de fermer en 2013 après une plainte du géant américain pour « atteinte à la renommée ».

De potentielles arnaques ?

 

Né en 2009 aux Etats-Unis, Fuckbook reprend tous les codes des réseaux sociaux : l’utilisateur publie ses posts, ses photos ou ses vidéos sur un mur, consulte son fil d’actualité, échange par messages privés avec d’autres membres et peut même les demander en amis… Ou plus si affinité. Car Fuckbook se revendique comme un site de rencontre avec pas moins de 28 millions de profils. Si l’inscription est gratuite, l’utilisateur doit très rapidement sortir son porte-monnaie. En effet, pour pouvoir publier et échanger avec les membres de façon illimitée, il faut se procurer un pack à 29.95€ par mois ou un abonnement trimestriel. En plus de son site de rencontres, Fuckbook propose des services de liveshows, payants eux aussi, sur le site Fuckbook Shows.

Pourtant, Fuckbook collabore également avec d’autres plateformes à l’allure douteuse. On trouve des sites de rencontres (Flirt, BeCoquin) mais aussi un jeu pornographique en ligne. Leur point commun ? Tous se disent gratuits mais, une fois l’inscription venue, demande la saisie des coordonnées bancaires… Une approche qui lève rapidement les soupçons d’une potentielle arnaque.

Si certains utilisateurs confient passer par Fuckbook pour vendre des photos dénudées, le site ne paraît pas être une plateforme privilégiée. UpLust et OnlyFan ont une approche beaucoup plus professionnelle et plus sûre pour les utilisateurs.

Les géants suivent la tendance

 

Qu’en est-il des géants du web pornographique ? Sans grande surprise, eux aussi sont tombés dans la tendance du social porn. Il n’empêche que leur logique de fonctionnement est bien différente de celle des petites plateformes présentées jusqu’ici.

Avec 42 milliards de visites en 2019, PornHub fait office de mastodonte dans l’industrie du sexe. Inspiré du modèle d

En échange d’une adhésion à son fan club, cette créatrice propose différentes prestations pour différents tarifs. Photo : capture PornHub.

e YouTube, il diffuse gratuitement des milliers de vidéos pornographiques depuis 2007, grâce au financement des annonceurs. Les internautes contribuent directement à l’apport en vidéos en publiant leur propre contenu. « PornHub possède une communauté solide et offre de nombreux outils dédiés à la communication entre les utilisateurs. Ils peuvent s’envoyer des messages, s’ajouter en amis et commenter les vidéos et les photos de chacun. Ces fonctionnalités sont très proches de celle de Facebook », explique la direction du site. Pour récompenser le dur labeur des créateurs, les utilisateurs peuvent même leur offrir des pourboires. Mais pour tout cela, il faut passer par un abonnement premium mensuel à 9,99€ ou annuel à 95€.

En 2018, PornHub a ouvert ModelHub, une plateforme de marketplace uniquement dédiées à la vente et au partage de vidéos originales. L’objectif : tirer parti des millions de visiteurs quotidiens de PornHub pour vendre du contenu, « recevoir les conseils de téléspectateurs » et « développer sa fan base »*. Développé en priorité pour les modèles, ce site permet aussi de renforcer les rapports entre consommateurs et producteurs de contenu, en entretenant une relation privilégiée. Contre paiement, l’utilisateur peut demander à sa pornstar préférée une vidéo 100% personnalisée. Pour chaque vidéo vendue, PornHub récupère une commission à hauteur de 35%. Celle appliquée aux pourboires est fixée à 20%.

Quid de la concurrence entre les sites pornographiques classiques et les nouvelles plateformes comme UpLust ou OnlyFan ? « Je ne pense pas qu’il puisse y avoir de concurrence directe, explique Carmina du Tag Parfait, PornHub ne peut être menacé par personne car il est au-dessus de tous les autres ». Le rapport entre les deux doit plutôt s’envisager dans la complémentarité. « Ce type de site touche un public particulier prêt à payer pour accéder à un contenu différent », conclut-elle.

* Citations tirées du communiqué de presse de PornHub sur leur nouvelle plateforme.

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