Depuis que le PiS – Parti Droit et Justice – est arrivé au pouvoir en octobre 2015, il a multiplié les attaques contre les médias. Le parti est sorti vainqueur des élections législatives de cet automne et il a été difficile pour les journalistes ne travaillant pas pour des médias pro-gouvernement d’obtenir des interviews.
Reporters sans frontières a ainsi constaté qu’en seulement quatre ans, la Pologne a chuté de 30 places dans le classement des libertés de la presse. Désormais classé 59ème, ce pays de l’Union européenne est régulièrement critiqué pour son rapport autoritaire aux médias. Cela s’explique par la victoire du PiS, parti conservateur et nationaliste, aux élections législatives.
Moins de deux mois après son arrivée au pouvoir, en octobre 2015, le PiS a en effet pris le contrôle des médias publics grâce à ce qu’il appelle « la petite loi sur les médias » et a évoqué la volonté de « repoloniser » les médias privés, c’est-à-dire de reprendre des mains des étrangers les rennes de ces médias. Le parti a ainsi congédié 200 journalistes issus de plusieurs rédactions polonaises.
La difficulté d’obtenir des interviews
Obtenir des interviews des membres du PiS ou les rencontrer s’est avéré compliqué pour les journalistes ne faisant pas partie de médias pro-gouvernement. « S’il n’est pas difficile de rencontrer des membres d’associations, des habitants, des militants ou des professeurs d’université, en revanche il est difficile d’obtenir des interviews de membres du PiS, en tout cas
au niveau national », explique Thomas Giraudeau, journaliste français correspondant à Varsovie. « Souvent, les demandes d’interview restent lettres mortes », précise-t-il. « Je pense qu’il est plus difficile pour des journalistes de médias classés d’opposition, comme Gazeta Wyborcza ou Newsweek Polska d’avoir des interviews avec certaines personnalités du PiS. Même si ce n’est pas impossible. »
Cela pose alors problème dans le traitement des législatives. En effet, sans pouvoir approcher de près ces personnalités, il est difficile de parler de leur politique sans obtenir leur avis au sujet d’éventuels points de tension. Fany Boucaud, journaliste française correspondante à Varsovie, en donne un exemple concret : « J’ai dû faire de nouveau la soirée au PiS, dans une
mini salle qui selon Jarosław Kaczyński, porte bonheur (c’était la même que pour les [élections] européennes). Or, il y avait trop d’invités, beaucoup ont dû rester dehors ou dans les escaliers, comme les 3/4 des journalistes [dont je faisais partie]. Donc on a [protesté] mais que veux-tu faire, ils s’en [fichent] royalement ! Ils ont la TVP, la télévision publique, c’était le principal pour eux. »
Une culture à prendre en compte
Néanmoins, Fany Boucaud apporte des nuances quant à la complexité du traitement des élections en Pologne : « Pour les législatives, j’ai pu dire ce que je souhaitais, et surtout ce que je voyais. »
La difficulté à couvrir ce type d’élections réside plutôt dans le fait de ne pas pouvoir aborder tous les sujets possibles. En effet, il est nécessaire de prendre en compte le pays et son histoire. Par exemple, lorsqu’un journaliste souhaite parler de politique, il doit avant tout s’intéresser à ce que l’Eglise catholique pense du sujet. Lorsqu’il choisit d’écrire un papier en Pologne, le journaliste doit « regarder avant tout l’histoire, la politique (ce que les politiques ont dit sur [le] sujet) et ce qu’en a dit l’Eglise catholique », précise Fany Boucaud. « Il est [également] difficile de parler de LGBT, d’avortement, des autres religions, de l’Histoire avec un grand H » et d’autres sujets.
Selon Michał Wilgocki, éditorialiste à la Gazeta Wyborcza, 16% des Polonais pratiqueraient la religion catholique, ce qui est bien loin des 92,2% énoncés par le Pew Research Center de Washington et des 92% annoncés par le dernier recensement national, selon lequel ce pourcentage de Polonais déclarerait appartenir à la communauté catholique. Cela suffit néanmoins à obliger les journalistes à fortement s’intéresser à la religion pour expliquer les différents événements qui ont lieu dans le pays.
Des élections difficiles à couvrir en occultant l’histoire, la culture et la religion. Mais les journalistes en Pologne ne sont pas les seuls à devoir avoir des références multiples pour expliquer les législatives. Les trois autres membres du Groupe de Visegrád – la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie – ont reculé dans le classement des libertés de la presse ces dernières années et, comme pour la Pologne, un journaliste doit rester attentif à l’Histoire avec un grand H.