23 mai 2019

Le RGPD entraine une prise de conscience générale

par Lina Fourneau

Au-delà de la nouvelle justice européenne en matière de numérique, l’internaute aussi décide de devenir responsable de ses propres données. Monétisation, tromperie, dissimilation.. Tour d’horizons d’une contre-attaque à l’heure de la data. 

 

Après son vote au parlement, la député Paula Forteza a désigné le RGPD comme « un véritable changement de paradigme ». En effet, il « donne la possibilité à l’industrie du numérique de se développer, tout en construisant une véritable confiance des utilisateurs ». Ce texte répond aussi aux craintes actuelles sur la grande liberté laissées aux GAFA. A défaut de payer des impôts en France, les géants du web seront bien obligés de respecter la juridiction du pays en matière de data, un phénomène nouveau souvent ignoré.

Ironie du sort quand on entend Tim Cook, le PDG d’Apple, regretter l’ignorance de la réglementation états-unienne en matière de protection de données. Dans une conférence privée tenue à Bruxelles, il compare ce big data à un complexe militaro-industriel. Contrairement aux grands patrons comme celui du CES (le salon électronique qui se tient chaque année à Las Vegas, Ndlr.) qui se sont strictement opposés au RGPD, Tim Cook cherche à se différencier.

Le 17 janvier dernier par exemple, le PDG a interpellé le Sénat américain sur l’importance d’une loi pour la vie privée, appelant notamment à l’anonymisation des données. Cette prise de conscience d’un des plus grands patrons à l’international peut nous faire espérer qu’à l’avenir, les entreprises finiront par protéger leurs utilisateurs.

Une donnée monétisée 

Mais à l’heure de la transparence complète demandée aux entreprises, d’autres encore font le choix de reprendre le contrôle des données en les monétisant. Dans un rapport publié par le think tank Génération Libre, la coordinatrice Isabelle Landreau propose un droit de propriété sur nos données. Elle incite à la vente ou à la location de nos informations. L’application CitizenMe par exemple se dessine autour d’une phrase simple « Your digital world. In your hands. Take control of your personal data and realise its value ». Comprenez ici « Votre monde digital. Entre vos mains. Prenez contrôle de vos données personnels et réalisez leur valeur. »

L’utilisateur va livrer ses données à des entreprises autour de quelques quizz, mais dans un rapport consenti, et c’est justement là que réside la différence. Autre phénomène : la sensibilisation des entreprises pour les particuliers. Encouragée par le RGPD, cette tendance propose aux marques de rémunérer leurs utilisateurs, en échange de leurs données.

Le RGPD permet une prise de conscience auprès de la population, comme a pu en témoigner Olivier Moussa. « Cette réflexion sur la sécurité » a aidé l’utilisateur à comprendre les dangers d’Internet. Cambridge Analytica par exemple génère en 2016 la fuite de données de 50 millions d’utilisateurs lors des dernières élections américaines. A l’époque, quelques soupçons grandissent sur notre véritable sécurité. Mais l’arrêt des activités de l’entreprise, pour se métamorphoser sous le nom d’Emerdata, n’a pas augmenté sa crédibilité.

Entre obfuscation et social cooling

Le pureplayer Usbek & Rica désigne même ce scandale comme « symptôme du capitalisme de surveillance ». Dans l’article, le journaliste relève que ce sont plus de deux milliards d’utilisateurs demandeurs d’un contrôle accru en matière de protection de données. En réaction, on voit certains phénomènes naître à l’instar de ce qu’on appelle aujourd’hui “l’obfuscation”. Derrière un mot compliqué, un principe simple : brouiller ses données pour tromper la plateforme. Une tendance accompagnée par la création de certains outils comme TrackMeNot. En plus des requêtes de l’utilisateur, l’extension ajoute de nouvelles recherches pour le noyer dans un flux d’information.

Autre phénomène, l’apparition du social cooling, ou comment l’internaute va choisir de changer son comportement sur Internet. Son créateur, le chercheur néerlandais Tijman Shep, l’associe au réchauffement climatique. Selon lui, les deux pourraient conduire à notre perte. Le chercheur fait référence aux entreprises de data broking, comme la fameuse Cambridge Analytica. Ces firmes récoltent et revendent les données, brassant au total 150 milliards d’euros par an. Des stratégies bien précises répondant à des logiques politiques. Il a par exemple été révélé que Cambridge Analytica avait une cible importante : les afro-américains résidants dans les Swing States, ces États non définis entre républicains et démocrates.

Le social cooling permet aux internautes de reprendre le contrôle de leurs données. Pour cela, ils inventent de nouvelles plateformes numériques, tout en luttant contre le conformisme qu’elles peuvent engendrer. Si l’utilisateur tend à devenir un parmi tant d’autres, le social cooling cherche à sortir de ce diktat, sans pour autant devenir une marchandise. En attendant le sursaut des entreprises en matière de protection numérique, l’utilisateur peut finalement espérer de ne plus être qu’une donnée, et se saisir de ses propres droits, socialement ou juridiquement.

En attendant le sursaut des entreprises en matière de protection numérique, l’utilisateur peut espérer se saisir de ses propres droits, socialement ou juridiquement.

 

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