22 octobre 2020

Contre les fake news, l’éducation aux médias à l’étude

par Sarah Cortay

 Sensibiliser les enfants à distinguer une vraie information d’une fausse, à identifier ses sources… Face à une circulation croissante de fausses informations, responsabiliser l’utilisateur d’Internet est devenu une priorité pour les responsables politiques comme pour le grand public.  Mais que recouvre vraiment cette éducation aux médias ?

 

Sur le papier, l’objectif est clair : il faut redonner aux médias traditionnels leur légitimité face à une déviance déjà bien installée. Le constat est sans appel. Si le Baromètre de la confiance des Français dans les médias, réalisé par l’institut de sondage Kantar pour La Croix, indique qu’en 2019, l’intérêt pour l’actualité atteint les 67%, l’indépendance des journalistes demeure un sujet sensible. 69% des personnes interrogées estiment que les journalistes ne résistent pas aux pressions des partis politiques et du pouvoir ; 62% pensent qu’ils ne résistent pas aux pressions de l’argent.

Pour François Morel, chef de projet académique pour l’Education aux médias et l’information à l’académie de Lyon, ces données sont alarmantes. « Si les gens n’ont plus confiance dans les journalistes, alors ils peuvent aussi se mettre à douter de tous les spécialistes : les médecins, les enseignants… Et là, ça devient problématique, voire dangereux ». Il s’est donc donné une mission : celle de pousser les jeunes à utiliser leur esprit critique, par le biais de Canopé, une cellule de l’Education nationale. Le concept n’est pas nouveau. L’Education nationale tente d’éduquer les jeunes aux médias depuis plus de 35 ans.

 

 

Le Clémi (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) et le réseau Canopé travaillent communément avec les journalistes. Crédit: https://www.clemi.fr/

 

 

Seulement depuis, les réseaux sociaux ont bouleversé notre rapport à l’information. En 2006, la France instaure un socle commun

En 2019, Le Clémi a publié un livret d’accompagnement destiné aux familles. Crédit: https://www.clemi.fr/

de connaissances pour tous les élèves de collège, censé leur apprendre le circuit de l’information, donc à discerner les fake news des vraies informations. « Il faut qu’ils fassent la différence entre une coquille et la volonté de désinformer. Plus l’information est spectaculaire, plus ça marche, surtout chez les ados. Il faut leur apprendre certains reflexes », explique François Morel. Et ces reflexes viendraient en rencontrant des professionnels, en créant des fake news pour comprendre comment elles fonctionnent et, surtout, comment les identifier.

 

 

Des moyens financiers insuffisants

 

Pour autant, les avis ne sont pas unanimes. A force de vouloir développer l’esprit critique des élèves, certains redoutent une remise en question de tout. Pour d’autres, le projet n’est pas encore abouti : « Il y a un décalage générationnel trop important entre les professeurs et les élèves », déplore Guillaume Brossard, fondateur d’Hoaxbuster.com, un site qui vise à déconstruire les mécanismes de désinformation sur Internet. « Ça fonctionne pour certains, mais l’enjeu n’est pas de former les gens qui sont déjà intéressés, c’est d’apprendre aux élèves à faire preuve d’esprit critique. Il y a un côté un peu brillant du projet. Pour moi, c’est essentiellement de la communication ».

 

« Aujourd’hui, les priorités ont été redéfinies »

François Morel

 

Même dans les couloirs de l’Education nationale, les limites sont bel et bien palpables. « Entre 2015 et 2018, avec les attentats, l’Education aux médias était une priorité. Nous avions des moyens financiers importants à disposition. Aujourd’hui, les priorités ont été redéfinies ; l’heure est au développement durable », commente François Morel. Une situation précaire qui le pousse à ironiser : « Il y a un phénomène de mode important, chez nous ».

L’enjeu est en tout cas crucial, tant les médias de masse sont devenus incontournables dans les pratiques culturelles des jeunes générations. Les porteurs du projet ne désespèrent pas, et voient même dans les élèves un espoir pour sortir du tunnel. « Les jeunes croisent les sources quand le sujet les intéresse. Ils le font sur d’autres plateformes, c’est tout. Ils ont juste besoin d’un accompagnement de fond pour cadrer leur utilisation d’Internet ».

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