À LA SOURCE DE L'INFO | Episode #8
6 août 2020

Francisco Pacheco Beltran : La plume dans la plaie 
et les balles dans le corps

par Lionel Brossard

Coupable jamais arrêté, crime non officiellement relié au travail de journaliste… La mort du reporter local, Francisco Pacheco Beltran, en 2016, montre comment le journalisme local d’enquête se meurt au Mexique.

L’assassinat du reporter Francisco Pacheco Beltran a semé la révolte chez ses proches et collègues. Les manifestations se sont multipliées affichant le visage du journaliste ayant porté la plume dans la plaie jusqu’à en payer les frais. Photo : Isaac Esquivel / Cuartoscuro

 

Un reporter local critique

 

Il est un peu plus de six heures du matin, le 25 avril 2016. Francisco Pacheco Beltran, journaliste local à Taxco, dans l’état de Guerrero, à deux heures au sud-ouest de la capitale mexicaine, est assassiné. Quelques minutes avant, il accompagnait sa fille à la gare routière pour qu’elle parte en voyage, au retour chez lui, il reçoit deux balles qui le laisseront sans vie.

A l’heure où les faits se déroulent, il est le quatrième journaliste assassiné de l’année au Mexique. L’organisme Reporter sans frontières en comptabilisera dix au total en 2016 dans le pays.

« Ils ont fait taire une voix qui cherchait à faire connaître la société et les méfaits du gouvernement. » – fille de Francisco

Francisco Pacheco Beltran, quatrième reporter mexicain tué en 2016. Il y en aura dix au total. Capture Unesco.

Reporter radio et écrit pour El sol de Acapulco, el Foro de Taxco ou encore son propre média, Pacheco Digital, Francisco Pacheco Beltran se définissait sur son profil LinkedIn comme « un impulseur de la lutte sociale, de la transparence et de l’obligation des politiques à rendre des comptes ». Ses proches et son entourage lient rapidement le crime à son travail. Pour sa fille, Priscilla Pacheco Romero, cela ne fait aucun doute : « Ils ont fait taire une voix qui cherchait à faire connaître la société et les méfaits du gouvernement. » Trois ans plus tard, l’investigation judiciaire n’a établi aucun lien entre le métier et le motif potentiel du crime, et aucun coupable n’a été identifié.

Bien que la famille et ses collègues n’aient pas eu vent de menaces particulières avant le meurtre, Francisco était connu pour dire les choses sans filtre, n’hésitant pas à critiquer les décideurs locaux ou les groupes armés. Sa dernière publication documentait l’horreur vécue par les touristes lors des fusillades à répétition à Acapulco. Il publiait également de nombreuses photos des crimes couverts sur le territoire qu’il couvrait avec des éléments les plus précis possible.

 

Un meurtre sans réponse

 

Dans la famille Pacheco Beltran, la mort de Francisco reste un sujet sensible. Son frère, Eric, lui aussi journaliste mais à Querétaro, au nord de la capitale Mexico, n’a pas souhaité s’exprimer sur ce cas. Pourtant, dans chacun de ses mots sur la situation mexicaine résonne une allusion au drame familial : « Le Mexique est le pays le plus dangereux pour les journalistes alors qu’il n’est pas en guerre. Ici, les criminels vont simplement à la maison des journalistes et les assassine quand ils arrivent chez eux. On te prend la vie pour avoir fait ton travail. »

« J’appelle les autorités à enquêter sur cet assassinat qui entrave la capacité des journalistes à mener à bien leur travail » – Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO

Symptomatique des meurtres contre les journalistes au Mexique, l’assassinat de Francisco Pacheco Beltran reste sans réponse. L’Unesco, organisme défendant, entre autres, la liberté de la presse pour les Nations Unis déclare sobrement que « l’enquête est ouverte, mais il n’y a pas de nouvelles supplémentaires pour le moment ». La directrice générale de l’organisme, Irina Bokova, a demandé officiellement que la lumière soit faite : « J’appelle les autorités à enquêter sur cet assassinat qui entrave la capacité des journalistes à mener à bien leur travail et limite l’accès à l’information au public ».

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