LES OUTILS DU CHANGEMENT | Épisode #3
27 mai 2019

Le cinéma traditionnel se réinvente grâce aux fictions interactives

par Léa Corbin

Une expérience inédite 

Fin 2018, Netflix a lancé son premier épisode interactif, Bandersnatch. Le principe est le suivant : le spectateur doit choisir entre plusieurs narrations au fur et à mesure que l’histoire progresse. Ainsi, il sort de son rôle passif et les choix qu’il fait servent à déterminer la suite des événements. 

Si le concept est innovant, en pratique, les critiques ne font pas l’unanimité. Un grand nombre d’utilisateurs regrettent que les choix restent limités, car certains ne mènent nul part, ou font retourner le spectateur en arrière. 

D’autre part, les dilemmes auxquels sont confrontés les spectateurs ne sont pas sans importance, et peuvent refléter leur propres personnalités et préférences : accepter ou refuser une offre d’emploi, défier ou fuir le conflit, se suicider ou tuer quelqu’un. Toutes ces données sont récoltées et enregistrées par Netflix.

Michael Veale, chercheur à l’University College de Londres, a fait valoir les clauses due l’article 15 du RGPD afin d’obtenir le détail des informations que Netflix avait pu collecter à son égard. Il a ainsi découvert que l’intégralité des choix qu’il a fait en regardant l’épisode ont été conservées par la plateforme, dans le but « d’aider Netflix a déterminer comment améliorer ce mode de narration dans le contexte d’une série TV ou d’un film », selon le service. Pour le chercheur, Netflix aurait dû prévenir les utilisateurs de cette pratique en amont. Il incite les internautes à demander aux différents services qu’ils utilisent quelles données sont conservées : « Lorsque les entreprises ont de plus en plus de demandes, elles sont forcées de rationaliser le processus pour des questions d’économies, ce qui, par ricochet, bénéficie à tous les utilisateurs », indique-t-il.

 

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Les nouvelles technologies influencent le cinéma traditionnel

À l’origine, les fictions interactives ont été beaucoup utilisées dans les jeux videos. Récemment, dans Red Dead Redemption II, les choix des utilisateurs influencent même la perception des personnages du jeu. Pour le réalisateur américain Armen Perian, « Les films interactifs sont « un » avenir du cinéma, pas « l’avenir ». L’interactivité n’est justifiée que lorsqu’un thème s’exprime dans le dialogue entre l’artiste et le public (…) Le défi principal a relever (pour les plateformes de diffusion) concerne la standardisation de ces nouveaux contenus (…) Chaque projet exige une approche unique. » 

Dans la même veine que Netflix, de plus en plus de diffuseurs de VOD expérimentent avec des fictions interactives ; par exemple, HBO a présenté Mosaic, mini-série interactive, en 2018. 

De nouvelles technologies sont utilisées au service de scénarios interactifs. La personnalisation reste l’une des techniques les plus couramment utilisées et reflète l’intérêt des spectateurs directement à travers leurs choix. Dans son film The Angry River, Armen Perian utilise l’eye-tracking, technologie de suivi oculaire à travers la webcam de l’utilisateur, pour déterminer quel personnage l’intéresse le plus. Le résultat est bluffant : les mouvements oculaires du spectateur déterminent ce qui retient son attention et adapte le scénario en fonction. Le film est donc entièrement personnalisé. « Avec The Angry River, le spectateur a le choix. Il peut avoir l’histoire où le fils est bon, celle où il est méchant, découvrir ou non la vérité derrière les apparences. », précise le réalisateur.

À la différence des jeux videos, le film interactif délaisse la notion de Game Over, privilégiant une expérience fluide et sans échec pour le spectateur. Et, avec Bandersnatch, Netflix a démocratisé le film interactif. 

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