Les articles 11 et 13 entraîne de nouveaux enjeux
Fin mars, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ont lancé une mission conjointe sur les outils de reconnaissance des contenus protégés sur les plateformes numériques de partage.
Cette mission, annoncée le 17 mars 2019 par le ministre de la culture, Frank Riester, va permettre d’évaluer dans un premier temps les performances et les limites des outils techniques existants, puis de formuler des propositions sur l’utilisation de ces technologies dans le cadre de la directive européenne sur le droit d’auteur.
La mission fait écho à l’adoption des articles 11 et 13 par le Parlement européen le 26 mars, qui, après 2 ans de débats, permet désormais aux médias de percevoir une partie des revenus générés sur internet par leurs productions. La directive initie ainsi une avancée considérable en faveur de la protection de la création. Elle prévoit notamment des mesures pour renforcer la responsabilité des plateformes de partage en ligne (article 17) et favoriser la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse (article 15)
Le droit d’auteur est défini par le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI): « L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. »
L’auteur dispose donc globalement de deux types de droits sur son oeuvre :
- Les droits moraux, qui permettent de s’opposer à l’utilisation ou à la divulgation d’une oeuvre si il n’y a pas eu d’accord préalable ;
- Les droits patrimoniaux, qui permettent de toucher une contrepartie financière lorsque l’oeuvre est exploitée. À noter que ces droits peuvent s’exercer jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur, ou, si l’oeuvre appartient à une personne morale, 70 ans après sa première divulgation.
Le droit d’auteur est reconnu à l’étranger en application de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques. Un auteur peut donc faire valoir ses droits dans la plupart des pays, à condition de pouvoir prouver qu’il en est bien le créateur.
Droit d’auteur et droit à l’image sur internet
En principe, la diffusion de l’image d’une personne sur tout type de support est soumise à une autorisation préalable, et ce indépendamment du nombre de personnes présentes sur la photo ou la vidéo. Une exception est applicable dans le cadre de l’illustration d’événements d’actualité ou d’événements historiques ; ici, la divulgation de l’image d’un tier n’est illicite que lorsque qu’elle n’est pas en rapport avec l’événement ou qu’elle sort du contexte.
L’arrivée d’internet a bouleversé le mode de consommation des oeuvres immatérielles, et les jeunes générations ont pris l’habitude de copier et de diffuser des contenus sans autorisation préalable. La presse est particulièrement touchée par la révolution numérique puisque l’information se retrouve désormais en libre accès sur le web.
Le développement du numérique complique la protection des droits d’auteurs et facilite le préjudice subit par les titulaires de droits, notamment à travers le téléchargement illégal.
La diffusion et l’utilisation illicite en ligne d’oeuvres protégées sont devenues un phénomène mondial ; pourtant, les règles restent les mêmes sur internet. Toute oeuvre diffusée doit être soumise à une autorisation préalable de l’auteur ; elle sera autrement considérée comme de la contrefaçon, infraction pénale qui peut entraîner jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende.
Ainsi, dès lors qu’on consommateur partage publiquement une oeuvre sans autorisation des ayants droits, il commet un délit. Une seule exception au droit d’auteur est prévue par la Cour pénale internationale (CPI) concernant les revues de presse (article L 122-5-3°) s’il s’agit d’une synthèse comparative de divers articles.
Partage des données et profilage
Tout comme les oeuvres, qui, sur internet, deviennent publiques et facilement escroquées, les habitudes et préférences des internautes sont controlées sur les réseaux. Facebook, par exemple, échange les données de ses utilisateurs gratuitement, de façon à ce que ses partenaires puissent améliorer leur ciblage publicitaire. Le New York Times a également révélé que le moteur de recherche de Microsoft accède aux contacts des internautes sans leur autorisation afin d’améliorer ses suggestions… Yahoo a accès au fil d’actualité de ses utilisateurs ; Apple peut observer leur agenda Facebook même si ils en ont, a priori, désactivé l’accès dans les paramètres de confidentialité.
Suite à l’affaire Cambridge Analytica, ces pratiques diminuent, et Facebook a même reconnu avoir commis « quelques erreurs ». Mais, si le partage illicite des données se fait plus rare, la vie privée des internautes reste entre les mains des services auxquels ils souscrivent.
En 2018, le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) est entré en vigueur, afin d’améliorer la protection des droits de propriété intellectuelle sur internet. Avec l’explosion du numérique et le développement de nouveaux modes de consommation, les modèles économiques ont changé. Il est alors apparu nécessaire d’apporter une révision au texte de référence initial dans l’UE, qui datait de 1995.
Cette révision met en place de nouvelles protections pour les internautes : par exemple, les entreprises sont désormais tenues de récolter un consentement écrit avant tout traitement de données personnelles.
Le RGPD introduit également le droit à l’oubli numérique, qui permet aux utilisateurs de retirer du web certaines de leurs données en cas de litige ou d’atteinte à la vie privée. D’autre part, les internautes sont maintenant informés lors des piratages et peuvent être défendus par des associations afin de s’opposer au traitement illicite de leurs données personnelles.
En France, le texte de loi a entrainé des désaccord au sein des partis et a fait l’objet d’une saisine du Conseil Constitutionnel. Si la loi adaptant le droit français au RGPD a été validée pour l’essentiel, le Conseil a cependant censuré un point relatif aux fichiers pénaux lorsque leur traitement est soumis au contrôle de l’autorité publique.
Comme le droit d’auteur, la propriété intellectuelle est sujette à certaines exceptions. Ainsi, le Conseil constitutionnel accorde toujours aux administrations d’avoir recours à des algorithmes, afin d’établir des décisions individuelles et ciblées, au motif que les garanties prévues dans le nouveau texte de loi sont désormais assez nombreuses pour échapper aux abus.