23 juillet 2020

Les extrêmes, ou l’apanage des complotistes

par Assia Mendi

65% des français croient à au moins une théorie du complot selon un sondage Ifop pour l’institut de recherches Jean-Jaurès et Conspiracy Watch paru en février 2019. Des résultats alarmants qui lèvent le voile sur le profil type du complotiste type: souvent jeune, pauvre et peu diplômé. 

 

 

Jeune, pauvre, croyant, peu diplômé. Voici le profil type du complotiste français en 2019. Basés sur un échantillon de 1506 personnes, les entretiens ont été réalisés sur internet via des formulaires auto-administrés , un procédé qui permet de récolter des témoignages beaucoup plus « sincères », selon le directeur de l’institut Jean-Jaurès Jérémie Peltier. Un constat qui « met en lumière l’influence préoccupante des représentations conspirationnistes dans la société», pour Rudy Reichstad, directeur de Conspiracy Watch. Si le pourcentage de français croyant à une théorie complotiste est en baisse – ils étaient 79% en 2018- les chiffres restent alarmant. Un français sur cinq croit à au moins cinq de ces théories. 


Total « d’accord » pour les 10 grandes théories du complots présentées dans l’enquête :

-le Ministère de la santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la nocivité des vaccins (43%)
-l’accident de voiture de la princesse Diana est en réalité un assassinat maquillé (34%)
-les illuminatis sont une organisation secrète qui cherche à manipuler les populations (27%)
-la théorie du grand remplacement (25%)
-les signes présents sur les billets de banques (23%)
-l’existence d’un complot sioniste mondial (22%)
-le trafic de drogue international est contrôlé par la CIA (19%)
-l’implication du gouvernement américains dans les attentats du 11 septembre (17%)
-les chemtrails (15%)
-les américains ne sont jamais allés sur la lune (9%)


Un jeune complotiste sur deux vit sous le seuil de pauvreté 

Près d’un tiers des 18-24 ans croient à au moins cinq de ces préceptes. C’est la tranche d’âge la plus touchée par ce fléau. Chez les seniors (+ de 65 ans), la part des personnes sensibles à la rhétorique complotiste se limite à 9%. On observe le même schéma manichéen concernant le niveau d’éducation : 27% des jeunes adeptes de ces théories boudent les bancs de l’université et ne sont titulaire d’aucun diplôme ou du BEPC, contre 8% seulement ayant un diplôme supérieur à Bac + 2. Concernant le niveau de vie, l’écart se creuse d’avantage avec 38% des jeunes sondés complotistes déclarant appartenir à la classe « pauvre », alors que la classe sociale «aisée » ne représente que 8% des personnes interrogées. Outre l’origine sociale et le bagage scolaire, l’enquête révèle que plus une personne est sensible au complotisme, plus l’attachement au système démocratique diminue. Autre fait édifiant, un sondé sur deux croyant à sept théories ou plus estime qu’il est possible d’entrer en contact avec les morts.

Politiquement, c’est sans surprise que les partis populistes s’érigent en pôle position, avec en tête le Rassemblement National (extrême droite) qui regroupe 27% des sondés. Viennent ensuite Debout la France (droite dure, 23%) et La France Insoumise (extrême gauche, 20%). À la question, « comment vous informez-vous », c’est Internet qui arrive en deuxième position après la télévision pour la majorité des français, mais reste nettement plus utilisée par les moins de 35 ans (27%). « Le complotisme n’est pas un phénomène nouveau, aujourd’hui il est beaucoup plus visible. C’est l’enfant de la société numérique et des réseaux sociaux», explique Rudy Reichstad.


Julien*, 21 ans, étudiant en master de politiques publiques, issu de la classe populaire et de confession chrétienne:

« L’Obs a interviewé Majid Oukacha, youtubeur spécialiste de l’islam et lui a attribué une phrase qu’il n’a jamais prononcé, heureusement qu’il avait tout enregistré pour le prouver. Le Parisien qui fait sa Une sur l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonès et on apprend le lendemain que ce n’était pas lui… Il y a une succession d’erreurs qui font que je n’accorde plus de légitimité aux médias. On constate une collusion entre certains médias et les intérêts des puissants en période de grève. Ruth Elkrief sur un plateau a appelé à la fin de la grève, expliquant que c’est dramatique pour les français, alors que les manifestants le sont aussi. Philippe Martinez interviewé par Bourdin a eu droit à un ton assez véhément alors que Jean-Michel Blanquer sur la même antenne, on lui a déroulé le tapis rouge. J’adore l’émission « interdit d’interdire » sur RT*, animée par Frédéric Taddeï qui présentait avant Ce soir ou jamais et qui a été éjecté de France Télévision. Encore une fois, les émission les plus intéressante sont toujours censurées. Il invite des invités de tout bords , il n’y a pas de censure, il laisse la parole aux gens. Par exemple, il a interviewé Juan Branco qui a bénéficié d’une faible couverture médiatique de son livre. Il participe au bon fonctionnement de la démocratie parce qu’il laisse les gens s’exprimer, peut importe leur idées. Par exemple, je déteste Zemmour, mais je trouve ça bien qu’il ait une émission, même s’il est régulièrement menacée et que le CSA veille au grain. »


Youri, 27 ans, chômeur après un contrat d’avenir de 3 ans, courant social d’extrême- droite, croyance non renseignée, issu de la classe moyenne:

« Je me méfie des médias traditionnels car ils reçoivent des subventions d’État, qu’ils sont détenus par quelques milliardaires, que beaucoup de journalistes sont en couple avec des politiciens ou travaillent secrètement pour des lobbies qui sont à l’opposé de la déontologie que les journalistes sont censés respecter. Je pense toutefois qu’il reste des journalistes honnêtes mais on censure des parties de leurs articles ou reportage, voire on les empêche souvent de publier leur travail. J’aime beaucoup RT* car on peut recouper leur infos avec les médias traditionnels, et on se rend vite compte qu’ils sont sérieux et très à cheval sur la vérification de leur infos. Et également ils utilisent un vocabulaire plus juste et bienveillant que les médias traditionnels, car si la prise de position pour un camp ou un autre n’est pas toujours sur le fond, elle est constamment présente sur la forme. Les belges d’Investig’Actions, média fondé par Michel Colon (journaliste belge considéré complotiste), font aussi du très bon boulot. Concernant les sujets sur lesquels les médias mentent le plus, on retrouve les Gilets jaunes, le conflit israélo-palestinien, et la crise des migrants. »

 


Ismaël*, 27 ans, responsable communication d’une agence d’ergonomie digitale, La France Insoumise, issu de la classe populaire et de confession musulmane:

« La télé et les infos, c’est fini pour la nouvelle génération. C’est la fin de cette ère. Les programmes sont complètement déconnectés de la jeunesse, les invités sont toujours les mêmes. Par exemple, pour l’affaire Julien O’Doul et la mère accompagnatrice qui portait le voile, il y a eu des dizaines de débats sur les chaines d’informations. On ne voyait jamais de femme voilée pour défendre cette vision là, mais en majorité des hommes blancs et vieux. C’est pas ça, le journalisme. Maintenant, l’information, c’est sur internet et les réseaux sociaux que ça se passe. Il n’existe pas un média neutre. Les médias sont dirigés par des milliardaires qui dirigent des business, ce qui crée des conflits d’intérêts qui impactent la ligne éditoriale des médias qu’ils détiennent. Sur des sujets comme l’islam et les Gilets jaunes, ils passent leur temps à mentir.
Il y a beaucoup de page Facebook sur lesquelles j’aime bien m’informer comme Lies breaker. Sinon j’aime bien aussi les pures players comme Brut ou Konbini. Au moins c’est purement factuel. »


 

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