DESIGN ETHIQUE | Episode #12
20 février 2020

Publicité éthique : le divorce impossible avec Internet

par Cypriane El-Chami

La publicité en ligne n’agace pas que les internautes. Certains considèrent qu’elle constitue du “gras numérique” à supprimer du Web et pensent à de nouveaux modèles post-publicité. Mais pour les professionnels du secteur, des innovations apparaissent déjà et elles n’annoncent rien de bon. La publicité éthique fera-t-elle le poids face à un futur incertain ?

Gildas Bonnel publicité éthique Cypriane El-ChamiProfesseur d’Histoire reconverti, il n’aura pas fallu longtemps à Gildas Bonnel pour décerner les enjeux de la publicité. En témoignent les deux postes qu’il occupe : celui de co-fondateur et directeur de l’agence de communication Sidièse et celui de président de la commission développement durable de l’Association des Agences-Conseil en Communication (AACC).

Notre secteur d’activité doit comprendre qu’on est très attendus en termes de responsabilité, parce qu’on influence le monde” rappelle-t-il. Pour supporter cette responsabilité, Gildas Bonnel défend les instances professionnelles déjà existantes. Il considère qu’elles représentent une pérennité qui rétablit la confiance du public. De plus, elles permettent d’éviter des dérives qui porteraient préjudice à tous. Car pour lui, le pire reste à venir… et pointe déjà. Intelligence artificielle, manipulation des données… Gildas Bonnel trouve cela “affolant. La publicité présente l’avantage d’avoir un cadre, visible. Nul ne peut prévoir ce qui se passera quand la conversation commerciale s’organisera hors de ce cadre, qui nous donne la certitude que l’information est juste et vérifiable. Les anti-pubs n’ont pas conscience de cela.

La publicité présente l’avantage d’avoir un cadre, visible. Nul ne peut prévoir ce qui se passera quand la conversation commerciale s’organisera hors de ce cadre.

Stéphane Martin Nouveaux médias ARPP design éthique publicité éthique Cypriane El-ChamiStéphane Martin partage ces projections alarmantes. Le directeur de l’ARPP est convaincu que la publicité pourrait être remplacée par des algorithmes qui proposeraient des produits spécifiques suivant les besoins des internautes.

Mais il ne faut pas se leurrer, avertit-il. Ce produit imposé aura été payé par l’entreprise, sauf qu’elle fera moins de pub et qu’elle reversera de l’argent directement à la plateforme de l’algorithme. Qui sera votre intermédiaire ? Est-ce que vous gardez votre liberté de citoyen-consommateur ? C’est là où de vraies questions éthiques sont posées.” La publicité serait-elle alors la garantie pour le consommateur d’un choix libre et éclairé ? Le postulat peut faire débat. Dans tous les cas, sans la pub, il est indéniable que la plupart des services numériques seraient impactés.

Tous les acteurs ont essayé de masquer le fait que si c’est gratuit, c’est que c’est la publicité qui paiera.

Ah, la gratuité du net… Pour beaucoup d’internautes, cela va désormais de soi. Le clic est un sésame qui permet d’accéder à n’importe quelle page, d’explorer le Web dans ses moindres recoins. Si des millions de personnes utilisent un bloqueur de publicités, combien d’entre elles se demandent pourquoi ces publicités existent ?

Gildas Bonnel rapproche cela aux frais bancaires, contre lesquels certains s’insurgent. Pour le directeur de Sidièse, cela révèle un manque d’information sur les rouages de ce modèle. Stéphane Martin approuve : “Il y a un besoin d’éducation des consommateurs à faire, qui passe forcément par le principe suivant : rien ne peut être gratuit, pose le directeur de l’ARPP. C’est le problème du positionnement originel, libertarien, de l’Internet. Tous les acteurs ont essayé de masquer le fait que si c’est gratuit, c’est que c’est la publicité qui paiera.

Un impératif de pédagogie auquel appelle Gildas Bonnel : “L’acceptabilité passe par l’explication et par l’intelligence. Je pense qu’on en a beaucoup manqué…” Une publicité éthique, acceptée par les internautes, serait donc une publicité au fonctionnement plus transparent. C’est à cela que s’attellent les instances interprofessionnelles comme l’ARPP. Coups d’épée dans l’eau ou efforts un jour fructueux ? Stéphane Martin a fait son choix : “Tant qu’il y a une économie de marché, l’information de nature commerciale reste indispensable.

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