Google a annoncé la mise en place d’un bloqueur de publicité sur son navigateur Chrome. Surprenante, cette stratégie répond au ras-le-bol des internautes face à l’acharnement publicitaire. Est-ce donc la fin de la publicité numérique ? Ne peut-on pas imaginer un modèle publicitaire plus éthique ? Des professionnels du secteur tentent d’y parvenir.
L’annonce peut faire sourire. En janvier 2019, Google a déclaré le lancement de son bloqueur de publicité sur Chrome en juillet prochain. Cette nouveauté paraît surprenante pour un moteur de recherche qui se finance grâce à la publicité. Cependant, ce dispositif répond à une attente grandissante chez les internautes. En effet, d’après le “Baromètre sur les Adblock” réalisé par l’Interactive Advertising Bureau (IAB) France, 36 % de ces derniers utilisent un bloqueur de publicités.
Stéphane Martin, directeur de l’Autorité de Régulation Professionnel le de la Publicité (ARPP), a conscience de cette défiance grandissante et des “stratégies d’évitement” de la publicité adoptée. “Il y a une prise de conscience globale de la juste place de la publicité” affirme-t-il.
Sa “juste place”, mais également sa responsabilité sociale. C’est ce qu’avance Gildas Bonnel, directeur de l’agence de communication Sidièse et président de la commission développement durable de l’Association des Agences-Conseils en Communication (AACC) : “Notre secteur d’activité doit comprendre que nous sommes très attendus en terme de responsabilité, parce que nous influençons le monde, estime-t-il. Avant de poursuivre sur l’impact environnemental de la publicité : « Ce n’est pas la publicité qui génère un impact environnemental, mais c’est ce qu’elle promeut.”
Le grand public n’est plus étranger aux techniques de marketing controversées comme le greenwashing qui induit le consommateur en erreur ou encore la publicité comportementale qui trace les habitudes de navigation de l’internaute à leur insu. Alors, pour faire preuve de leurs bonnes intentions, les professionnels du secteur s’organisent, armés notamment des outils du design éthique.
L’autorégulation pour sauver la publicité
Pour rassurer ces internautes méfiants, des instances professionnelles se posent en garantes d’une éthique publicitaire. C’est la vocation de l’ARPP, qui a rédigé un Code et publie régulièrement des recommandations sur son site Internet. L’une de ces recommandations, intitulée “Les 6 règles d’or pour une publicité digitale responsable”, insiste sur des dispositifs de design publicitaire. Ses préconisations : la publicité doit être clairement identifiable, ne doit pas entraver le confort de navigation et doit offrir la possibilité d’être évitée. L’ARPP a également donné le label “Digital Ad Trust” à 92 sites. Parmi eux, des médias nationaux ou spécialisés, des plateformes de replay d’émissions TV (MyTF1, 6Play), des sites de vente en ligne (comme leboncoin) etc. Ces sites s’engagent sur cinq points, dont celui d’un “encombrement publicitaire acceptable et un accès prioritaire aux contenus”.
La publicité éthique ne serait-elle pas celle qui sortirait de la logique de surconsommation ?
L’État se lie également à ces initiatives privées. En 2009 déjà, un rapport du CNIL intitulé “La publicité ciblée en ligne”, détaillait les stratégies de “traçage” mises en place par les régies publicitaires. L’année d’après, c’est une consultation sur le droit à l’oubli numérique qui mènera à la Charte sur la publicité ciblée et la protection des internautes. À nouveau, il s’agit d’établir un cadre pour les rassurer. Mais pour ces derniers, le problème n’est-il pas de regarder de la pub pour la pub ? La publicité éthique ne serait-elle pas celle qui sortirait de la logique de surconsommation ?