21 janvier 2021

Tout le monde se met au social porn

par Lola Senoble

Depuis la dernière décennie, l’industrie pornographique assiste à l’essor d’un nouveau genre : le social porn. Parmi ces nouveaux « réseaux sociaux pornographiques », on retrouve notamment UpLust et OnlyFan, qui voient leur communauté croître à toute allure. Pourquoi un tel succès ? Quels sont les avantages que peuvent tirer les utilisateurs ? Et quelles sont les opportunités pour les travailleurs du sexe ?

En 2015, UpLust rassemblait 210.000 membres actifs et 630.000 photos postées après seulement deux ans d’existence. Aujourd’hui, la plateforme est riche de 490.000 membres supplémentaires.  De son côté, OnlyFan, fondé en 2016, compte à présent plus de sept millions d’utilisateurs. Des chiffres prometteurs qui ne sont pas près de diminuer de sitôt, selon Carmina, rédactrice en chef du Tag Parfait, magazine sur la culture pornographique.

« Vendre ses photos ou ses vidéos sur internet, c’est du travail du sexe à part entière. Ça s’inscrit dans la tendance du moment », explique-t-elle.

Amateurs comme professionnels, tout le monde se met au social porn. Le meilleur exemple, en France, est probablement celui de Nikita Bellucci. En 2016, après six ans de carrière, la jeune femme décide d’arrêter les tournages. Une retraite de courte durée : en septembre 2019, elle annonce en effet la reprise de sa carrière sur OnlyFan, une version pornographique de Twitter. En échange d’un abonnement mensuel de 15$, l’équivalent de 13€, ses abonnés bénéficient d’une nouvelle vidéo pornographique tous les vendredis.

 

Un complément de revenu entre deux tournages

 

Le créateur devient maître de son contenu. L’argent généré lui revient directement – après prélèvement d’une commission – sans passer par un quelconque intermédiaire. « C’est un bon complément de revenu entre deux tournages, surtout en France, où il n’y en a très peu. Il y a trop de demandes par rapport à l’offre », souligne Carmina. Mais aussi lucratives soient-elles, ces plateformes nécessitent énormément de temps et d’investissement. « Pour que ça fonctionne, il faut se construire un réseau. C’est plus simple pour les personnes ayant déjà tourné, car elles ont déjà une communauté ».

Danika Mori et son compagnon ont commencé à publier des vidéos d’eux en 2012 sur des sites de webcam live shows comme Cam4. « Nous étions heureux de partager notre sexualité et de trouver une communauté appréciant notre contribution », explique la jeune femme. Le succès arrive vite : les shows du couple, quasi quotidiens, font partie des plus visionnés du site. Ils commencent à gagner de l’argent et décident, en 2015, de publier leur première vidéo sur PornHub. Aujourd’hui, Danika Mori est une des pornstars les plus connues du site.

Danika Mori est une des pornstars les plus connues de PornHub. Sa chaîne cumule plusieurs millions de vues. Elle travaille également sur d’autres plateformes de social porn comme OnlyFan et ManyVids. Photo : capture d’écran PornHub.

 

Des contenus exclusifs

 

Ses vidéos accessibles gratuitement sur sa chaîne Pornhub lui rapportent un salaire chaque mois grâce aux publicités qui y sont diffusées. Mais ce n’est pas tout. « Je gagne aussi ma vie grâce aux abonnements mensuels de PornHub Fanclub, de Snapchat et d’OnlyFan, qui me permettent de partager du contenu plus exclusif avec mes fans », poursuit-elle. La pornstar est également présente sur le marketplace ModelHub et la plateforme ManyVids.

L’échange régulier et les rapports privilégiés, c’est ce que recherche Kinano*, fervent utilisateur de Fuckbook, un site de rencontre. L’homme de 48 ans y est inscrit depuis cinq ans. « Même si je vais sur PornHub deux à trois fois par semaine, je suis beaucoup plus friand des réseaux sociaux », confie-t-il. Plusieurs fois par jour, il se connecte pour échanger avec des utilisatrices : partage de photos, conversations érotiques et parfois même rendez-vous sexuels dans des hôtels. « L’idée de pouvoir entrer en contact fait toute la différence. Cela permet des interactions particulières et parfois enrichissantes », explique-t-il. Pour son plaisir personnel, Kinano édite et partage des gifs pornographiques :  Fuckbook devient alors « un lieu de partage ouvert ». Mais tout cela à un prix : pour dix ans d’abonnement, l’homme aura déboursé 200$, soit 180€.

L’hégémonie des gros sites pornographiques est telle qu’ils ne craignent pas les nouvelles plateformes de social porn. Pour autant, ce n’est pas le cas pour les studios de production. « Les contenus sont de meilleure qualité et répondent aux envies des utilisateurs. Cela peut forcer les studios à offrir de meilleures conditions de travail », précise Carmina. Grâce à leur variété de créateurs, ces nouveaux sites pornographiques permettent aussi de multiplier les points de vue sur les corps et les pratiques. « Il y a une variété de choses qu’on ne retrouve pas avec les films classiques ».

Le changement est aujourd’hui en route. Si beaucoup de consommateurs ne sont pas encore prêts à payer pour accéder à ces contenus, ceux qui le font ouvre la marche d’une consommation consciencieuse et responsable. Créateurs comme utilisateurs : tout le monde y trouve son compte ! Et les plateformes de social porn aussi…

*son pseudo sur Fuckbook.

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