Spécialiste, consultante et formatrice en qualité web certifiée Opquast, Véronique Lapierre s’intéresse de près aux questions d’accessibilité et d’inclusion. Investie dans la communauté Paris Web – une conférence annuelle sur le design, la qualité et l’accessibilité du Web – elle était aussi présente au World Interaction Design Day à Lyon, en septembre dernier, pour y parler d’inclusion dans le design. Elle revient sur la mise en place d’outils tels que Adapte Mon Web (voir Adapte Mon Web: un pansement sur une jambe de bois) et sur les bonnes pratiques à adopter en matière d’accessibilité.
Quel regard portez-vous sur la mise en place d’un module comme Adapte Mon Web (AMW) ? Un site web peut-il être conforme aux règles en vigueur avec cet outil ?
On ne résout pas des problèmes d’accessibilité en rajoutant une ligne de code. Adapte Mon Web propose des choses intéressantes et qui peuvent être utiles. Par exemple, modifier l’interlignage peut apporter un confort à certaines personnes. Mais c’est un pansement, pas une mise en conformité. L’accessibilité ne se corrige pas, elle se conçoit. Cela doit être anticipé. L’accessibilité répond à des critères précis, et résoudre tous les problèmes d’accessibilité avec une ligne de code, c’est impossible ; notamment ceux qui concernent l’utilisation d’outils d’assistance.
L’accessibilité répond à des critères précis, et résoudre tous les problèmes d’accessibilité avec une ligne de code, c’est impossible.
Ces outils peuvent-il être conformes aux normes d’accessibilité ?
Pour évaluer l’accessibilité d’un site, il y a des experts, des certifications existent. À ma connaissance, il n’est pas question d’évaluer officiellement ces outils. Ce ne sont pas des solutions préconisées par le W3C (ndlr: le World Wide Web Consortium qui a établi des normes à respecter en matière d’accessibilité, les Web Content Accessibility Guidelines ou WCAG) et elles ne le seront pas. Mais parler d’accessibilité est malgré tout une bonne chose s’il n’est pas question de magie.
La nécessité de faire appel à des solutions externes comme AMW est-il révélateur de la faible prise en charge de l’accessibilité par les concepteurs de sites web ?
Il y a effectivement un véritable problème à ce niveau-là. Les designers ne devraient jamais sortir de l’école sans avoir entendu parler d’accessibilité (Voir « Nous n’avons pas vraiment abordé les règles d’accessibilité »). Je fais de la formation et quand j’aborde ce sujet, je sens qu’il y a une grande appétence pour mieux connaître ce domaine. Il y a très peu de designers spécialistes de l’accessibilité. Il manque une vraie visibilité sur l’accessibilité dans les formations, les écoles de design. Mais les designers ne sont pas totalement coupables. Les spécifications, les WCAG sont assez compliquées. Des professionnels travaillent pour mettre ces règles à la portée des designers, car elles sont techniques et difficiles à aborder. Il y a une prise de conscience aujourd’hui.
Des professionnels travaillent pour mettre ces règles à la portée des designers. Il y a une prise de conscience aujourd’hui.
Quelle est la meilleure démarche à adopter afin de mettre son site web en conformité avec les règles d’accessibilité ?
Si je m’adresse aux donneurs d’ordre, je vais leur dire de s’entourer de personnes en accompagnement de projet, qui auront des bases solides en accessibilité et qui pourront procéder à un suivi sur le long terme avec l’aide d’experts si besoin. Je milite pour le référentiel Opquast, un référentiel de bonnes pratiques du web qui inclut la prise en compte d’un socle de base de l’accessibilité. Pour les designers, il faut se tenir au courant, se former, être intéressé. Pour les écoles, il faut absolument sensibiliser et former les designers.